Réunie à Abuja, la CEDEAO va signer le divorce total avec l’AES
Lemandatexpress – Au nombre des sujets à l’ordre du sommet de la CEDEAO, ce dimanche 15 décembre à Abuja, figure la question cruciale de la collaboration avec l’Alliance des États du Sahel (AES).
Cette réunion pourrait marquer un tournant historique en officialisant un divorce total et définitif entre la CEDEAO et l’AES, qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023 – le sixième dans la région en trois ans – les tensions entre la CEDEAO et les trois pays sahéliens, tous dirigés par des juntes militaires, se sont intensifiées. Ces derniers, dénonçant une organisation « instrumentalisée par la France », avaient déjà exprimé en janvier leur volonté de quitter la CEDEAO.
Malgré les efforts diplomatiques, dont la médiation menée par le président sénégalais et soutenue par son homologue togolais, l’AES est restée inflexible. En septembre 2023, elle a officialisé la création d’un nouvel organe de coopération axé sur les questions de défense et de sécurité, principalement la lutte contre le Djihadisme.
Sanctions économiques et financières
Les sanctions économiques et financières imposées par la CEDEAO, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger, ont contribué à une détérioration des relations. Ces mesures, qui ont engendré des pénuries et un ralentissement économique, ont renforcé le ressentiment des populations contre l’organisation. Parallèlement, le discours souverainiste des juntes a trouvé un écho favorable auprès des citoyens de ces pays.
L’ultime rupture s’est produite après la menace d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger en juillet 2023, perçue par les juntes comme une ingérence étrangère.
Les enjeux économiques et sociaux
Le retrait des trois pays sahéliens de la CEDEAO soulève d’importants défis économiques et sociaux. La libre circulation des citoyens, facilitée par l’instauration d’un passeport commun, pourrait être compromise. Cela risque d’impacter les diasporas malienne, burkinabè et nigérienne, ainsi que les échanges commerciaux, vitaux pour les économies de ces pays.
Avec la perte de 70 millions d’habitants, la CEDEAO verra également son PIB chuter, tandis que la hausse des prix des denrées alimentaires pourrait fragiliser davantage les populations sahéliennes. Cependant, des accords de coopération pourraient être envisagés à l’avenir pour préserver ces relations économiques essentielles.
Pour l’instant, l’AES demeure membre de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Toutefois, un projet de monnaie commune au sein de l’AES pourrait sceller une nouvelle phase de séparation.
Le sommet d’Abuja marque donc un moment clé pour l’avenir de la CEDEAO et de ses relations avec les pays du Sahel.
Martial Galé