FESCI : Assassinat d’Agui Mars, le crime de trop ! Chronique d’un syndicat en plein dévoiement.
Lemandatexpress – L’assassinat de l’étudiant Agui Mars Aubin Déagoué, survenu dans la nuit du dimanche 29 au lundi 30 septembre et attribué à la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique. Ce crime, qui s’ajoute aux nombreux méfaits attribués à ce syndicat, suscite une indignation croissante, soulevant des questions sur sa légitimité sociopolitique.
Agui Mars Aubin(49 ans), étudiant en Master 2 option anglais, à l’Université Nangui Abrogoua d’Abobo-Adjamé, est loin d’être une victime isolée. Son meurtre réaffirme l’image d’une FESCI perçue comme une organisation semant la terreur. De fait, ce drame ranime des souvenirs douloureux liés à une longue série d’incidents violents, et conduit à s’interroger sur la pertinence actuelle de cette structure, trente-quatre ans après sa création.
Fondée en avril 1990, sur les ruines de la MEECI (Mouvement des élèves et étudiants de Côte d’Ivoire), la FESCI portait initialement l’idéal d’un syndicat de défense des droits des élèves et étudiants dans un contexte de crise économique et de dégradation des conditions de vie sur les campus. Cependant, ses méthodes, souvent marquées par des grèves violentes et des affrontements, ont rapidement terni son image dans une Côte d’Ivoire alors en pleine transition vers le multipartisme.
Si la FESCI se targue de défendre les intérêts de la communauté estudiantine, l’usage systématique de la violence est devenu une constante dans ses actions. Depuis le début des années 2000, marqué par l’opposition entre une faction « loyaliste » menée par Charles Blé Goudé et une faction « dissidente » dirigée par Doumbia Major, la FESCI est associée à des affrontements internes sanglants, notamment à la tristement célèbre « guerre des machettes ».
Par ailleurs, la trajectoire de la FESCI a été marquée par de nombreux décès, comme ceux de Thierry Zébié et Dodo Habib, ainsi que par des actes de violence, de racket et d’extorsion au sein des campus universitaires, mettant à mal l’image de cette organisation dont les anciens dirigeants sont devenues des figures politiques nationales, à l’instar de Guillaume Soro, Charles Blé Goudé, ou encore Ahipeaud Martial.
Des témoignages recueillis par Human Rights Watch révèlent que même les anciens membres de la FESCI reconnaissent à peine l’organisation qu’ils avaient fondée. Aussi, pour certains observateurs, la FESCI reste un syndicat aux ordres, souvent instrumentalisé à des fins politiques. Ses leaders, quant à eux, affirment que la FESCI incarne « un esprit » échappant à tout contrôle idéologique.
L’arrivée de Kambou Sié à la tête de la FESCI, en décembre 2023, n’a pas permis de consolider la relative accalmie qui régnait sur les campus. Des conflits internes ont rapidement éclaté, notamment concernant le processus de désignation des secrétaires généraux des sections, suscitant des critiques et des contestations en mai 2024.
En mai 2024, suite à l’installation de 16 nouveaux secrétaires généraux provisoires, ces derniers montaient au créneau pour marquer leur opposition ferme à ce processus. Il violait, selon eux, les dispositions statutaires de la FESCI. « Nous sommes jaloux de l’intégrité, de la valeur de notre organisation et attachés à nos textes », soulignait l’un des responsables de ce collectif des velléitaires
L’assassinat d’Agui Mars Aubin, perçu comme un opposant au secrétaire général, illustre une nouvelle fois ces luttes intestines violentes qui secouent la FESCI et dont le règlement se fait par la force des muscles et/ou des armes blanches. Plutôt que par la force des arguments. Hélas, cela donne lieu à un mort de plus, un mort de trop, comme semble-t-on le dire l’opinion au regard des nombreuses déclarations de condamnation qui ont suivi ce crime.
En effet, ace à ce drame, le gouvernement a fermement condamné « cet acte barbare d’un autre âge » et suspendu à titre conservatoire toutes les activités des associations estudiantines sur l’ensemble du territoire. Le Centre Régional des Œuvres Universitaires (CROU) a également ordonné aux étudiants occupant illégalement des chambres de libérer les lieux dès le 2 octobre 2024.
La FESCI semble désormais à la croisée des chemins. Pour certains, il est temps de mettre fin à l’existence de ce syndicat, appelant à une nouvelle approche basée sur le dialogue entre les responsables universitaires et les meilleurs étudiants.
D’autres, cependant, croient que la FESCI, malgré ses dérives, ne peut être dissoute. Est-ce une vérité immuable ou une simple illusion ? L’avenir nous le dira.
Aziz Krah
Lemandatexpress.net