45 jours après la libération des emprises du 4ème pont : Les décisions du gouvernement saluées par Adjamé-Village
Quarante-cinq jours après la libération des emprises du 4ème pont à Adjamé-Village, une équipe de reporters de ”Le Mandat” s’est rendue sur place le mardi 10 septembre dernier pour faire le point sur la situation.
À la chefferie d’Adjamé-Village, cette équipe a rencontré le conseiller du chef du village, Kakou Jean Marc, coordinateur général d’Adjamé-Village et chargé des projets socio-économiques. En tant que porte-parole et membre du comité interministériel initié par le président de la République, Kakou Jean Marc a présenté la composition de ce bureau mis en place par le Premier ministre Beugré Mambé et dirigé par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Vagondo Diomandé. Selon M. Kakou, sept ministères stratégiques sont représentés au sein de ce comité, à savoir les ministères de l’Intérieur et de la Sécurité, de la Solidarité, de la Construction, de l’Équipement, de l’Économie, du Budget et du Portefeuille de l’État, de la Promotion de la Jeunesse, et de l’Éducation nationale.
Le porte-parole du comité interministériel a précisé que la mission de celui-ci est de discuter avec les populations, notamment la chefferie d’Adjamé-Village, afin de trouver des solutions consensuelles à la situation née de l’opération de libération des emprises du 4ème pont d’Abidjan. Cela se traduira par des séries de consultations et d’échanges entre les différentes parties prenantes. Le conseiller du chef a exprimé son optimisme quant à l’évolution de cette affaire.
« Nous allons nous asseoir avec le gouvernement et trouver un consensus pour permettre que toutes les personnes expropriées puissent avoir gain de cause. Nous ne sommes pas dans un bras de fer avec le gouvernement. Nous sommes dans une logique de négociation. C’est ce qui fait la force d’Adjamé-Village, qui privilégie la négociation avec l’État ivoirien, car nous sommes dans un État de droit. Et nous sommes optimistes quant à la suite », a-t-il souligné.
Kakou Jean Marc fonde son optimisme sur la bonne disposition de ses interlocuteurs, les personnes rencontrées et échangées, ainsi que sur le médiateur, le Préfet d’Abidjan, un homme d’expérience et de cœur, ainsi que les directeurs de cabinet de tous les ministères concernés. « Je peux vous affirmer que nous sommes optimistes. Nous croyons qu’avec une telle synergie, nous pourrons aboutir à un résultat probant », a-t-il rassuré.
Dans le même esprit, le village a initié un comité technique dans le but de travailler avec celui du gouvernement pour permettre des discussions saines. Abordant la question de l’indemnisation des populations impactées par cette opération, le conseiller du chef a confié : « C’est au sortir de la négociation avec le gouvernement que nous pourrons dire exactement où nous en sommes avec l’indemnisation. » Car, a-t-il qualifié ce processus de “grand projet” en raison de la diversité des impacts : bâtiments, personnes, terres du village, bâtiments religieux, culture, immobilier perdu lors des démolitions, etc.
Doléances d’Adjamé-Village
Au-delà de toutes ses revendications formulées au sujet de la libération des emprises d’accès au 4ème pont, Adjamé-Village tient à la préservation de sa culture ainsi que de ses us et coutumes. Le conseiller du chef a lancé un appel clair : « Nous ne sommes pas contre le développement, encore moins contre le fait que l’ouvrage traverse notre village. Mais nous disons que le village doit rester dans son entièreté. Cela veut dire que la route peut passer, mais le village doit exister sur son site actuel. Nous n’avons pas besoin d’argent, mais juste de notre village », a-t-il martelé, ajoutant :
« Cela n’est pas négociable. Toutefois, M. Kakou a rassuré que les discussions avec les émissaires du président de la République sont en bonne voie pour le respect de cette exigence. Nous sommes sur la même longueur d’onde avec le gouvernement pour permettre que cet ouvrage puisse passer, de telle sorte que le développement puisse se faire, mais surtout pas au détriment des populations. »
Mambé attendu
Déjà impliqué à plus d’un titre dans la résolution de cette affaire, le Premier ministre, chef du gouvernement, Robert Beugré Mambé, est attendu à Adjamé-Village. La communauté locale croit fermement que cette visite du chef du gouvernement facilitera les choses. « Il est intéressant que le Premier ministre se déplace pour venir parler avec ses frères et ses concitoyens. Nous avons attendu cette visite ardemment. Cela va faciliter beaucoup de choses. Nous sollicitons ardemment cette rencontre », a souhaité le coordinateur général d’Adjamé-Village. Il a également adressé, au nom du chef Nangui Boua Chérubin, ses remerciements au Premier ministre pour les nombreux dons qu’il leur a faits préalablement. « Nous lui disons merci », a-t-il déclaré.
Couloir humanitaire
Selon le porte-parole et membre du comité interministériel, le recensement des populations impactées par cette opération a permis d’identifier environ 9.800 personnes, dont 64% de femmes et 36% d’hommes. Pour venir en aide à ces personnes, un élan de solidarité digne d’un véritable couloir humanitaire s’est mis en place naturellement. « Nous avons relogé les impactés dans des écoles et des lieux de culte. Avec les dons que nous avons reçus du Premier ministre, ainsi que des personnes de bonne volonté et des ONG, nous avons pu partager des vivres et des non-vivres aux sinistrés. Nous continuons de fournir deux repas par jour (matin et midi) aux personnes qui n’ont pas encore de toit. Le nombre de ces personnes varie entre 600 et 1000, selon les jours », a fait savoir Kakou Jean Marc. Il a également remercié tous les donateurs : « Nous voulons remercier toutes les bonnes volontés qui ont bien voulu apporter assistance à la communauté d’Adjamé-Village. Il s’agit des organisations non gouvernementales, des religieux, des villages, etc., qui ont prêté main forte au village en nous donnant vivres et non-vivres, et qui nous donnent des moyens financiers. Nous leur adressons un grand merci au nom du chef du village Nangui Boua Chérubin. »
À l’occasion de la rentrée scolaire, un nouveau recensement des élèves a permis d’en dénombrer un peu plus de 2.300. Le comité technique du village entend soumettre ce chiffre au gouvernement pour aider les parents impactés par cette opération. Pour reconstituer l’état-civil des impactés, la chefferie a initié un comité dédié à cette question. « Nous avons créé un comité d’état-civil pour permettre aux gens de reconstituer leur état civil, les extraits de naissance, les cartes d’identité, etc. », a-t-il informé.
Les emprises recolonisées
Plus d’un mois et demi après, un terrain vague fait désormais place, le long du tronçon allant de la mairie d’Adjamé au GSPM de l’Indénié, à un vide laissé par les engins du District autonome d’Abidjan après leur passage. Les populations riveraines essayent d’occuper cet espace tant bien que mal. De petits commerces se sont installés depuis peu : parkings, bacs à ordures, nourritures, bistrots, librairies à même le sol, etc. Les commerçants sont de plus en plus nombreux sur le site déguerpi d’Adjamé-Village. Mme Mobio, vendeuse d’attieké-poisson, confie : « J’ai commencé il n’y a pas longtemps. Au lieu que le lieu reste comme cela, j’ai décidé de l’occuper pour le moment en faisant mon petit commerce. » JM, quant à lui, s’est découvert des talents d’agent de stationnement depuis les casses. « Des gens viennent faire leurs courses et n’ont pas un coin où garer, alors nous leur proposons cet espace moyennant un petit quelque chose », a-t-il laissé entendre.
Zéphirin Gohla