Formation judiciaire/Lebry Marie-Léornard (Directeur Général de l’INFJ) : « Nos concours d’accès sont crédibles »
Dans cet entretien, Le Directeur Général de l’Institut National de formation Judiciaire (INFJ), Magistrat hors hiérarchie, se dévoile davantage et présente plus en détail cette grande école de formation.
M. le Directeur, Que peut-on savoir de l’INFJ ?
L’institut national de formation judiciaire en abrégé INFJ est un établissement public national crée par décret 2005-40 du 3 février 2005 pour assurer la formation professionnelle du personnel judiciaire. A savoir les Magistrats, les Greffiers, le personnel de l’Administration pénitentiaire et le personnel de la protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse.
Il est régi actuellement par le décret 2023-57 du 1er février 2023 qui détermine ses attributions, son organisation et son fonctionnement. Il est placé sous la double tutelle du Ministre en charge de la justice et du Ministre en charge du budget.
Il faut savoir qu’avant la création de cet établissement, le personnel judiciaire était formé au sein de l’ENA. Depuis 2005, cette formation est désormais assurée par une structure autonome qui est l’INFJ.
Comment accède-t-on à l’INFJ ?
L’INFJ est un institut de formation qui comprend quatre (04) écoles auxquelles on accède par voie de concours publics. Ces concours sont organisés par l’INFJ. On a le concours d’entrée à l’Ecole de la Magistrature ; les concours d’entrée à l’Ecole des Greffes ; les concours d’entrée à l’Ecole du Personnel pénitentiaire ; et les concours d’entrée à l’Ecole du Personnel de la Protection judiciaire de l’enfance et de la jeunesse (EPPJEJ).Il faut préciser que ces concours sont ouverts chaque année par un arrêté du Ministre en charge de la Justice.
Quelles sont les performances et résultats concrets enregistrés par l’INFJ, ces dernières années ?
L’une des performances majeures réalisées par l’INFJ est, qu’en trois ans, il a doublé le nombre de candidats et le taux de réussite à ses concours. En effet, en 2021, il les concours de l’INFJ enregistraient moins de 10 000 candidats. En 2022 il y a eu 14 000 candidats ; en 2023 16 000 candidats. En termes de réussite des candidats aux différents concours on est passé de 191 admis en 2021 à 320 en 2022 et à 487 en 2023.
Cet accroissement du nombre de candidats et de réussite ces dernières années, est dû à trois (03) raisons essentielles : la crédibilité de nos concours qui ne sont pas encore gangrénés par la corruption ; de meilleures conditions de formation offertes par les nouvelles infrastructures de l’institut et la troisième raison enfin une campagne de communication tous azimuts pour faire connaitre l’institut et les métiers auquel il forme.
Quelles sont les réformes majeures opérées dans le secteur ?
Nous sommes à la tête de l’INFJ depuis le 23 février 2023 ; donc il y a à peine 16 mois. Néanmoins, nous avons quand même entrepris quelques reformes dès notre arrivée.
Premièrement au plan académique, nous avons institué une rentrée officielle des activités de l’institut, appelée rentrée académique de l’INFJ, avec toute la solennité qui sied à une institution académique. C’est-à-dire que la rentrée académique donne lieu à l’organisation d’une cérémonie officielle au cours de laquelle sont invités les organes de tutelle de l’INFJ ( le Ministre de la justice notamment), les personnalités politiques , administratives , judiciaires, coutumières et les nouveaux élèves. Les temps forts de cette cérémonie sont le discours bilan du Directeur Général de l’année académique précédente, La conférence inaugurale sur un thème d’intérêt académique prononcé par un enseignant ou une personnalité choisie par la Direction générale et la passation de flambeau entre les anciens et les nouveaux élèves.
Deuxièmement nous avons doté l’INFJ d’une devise (Excellence- Compétence-Probité) et d’un slogan (l’excellence de la formation au service de la Justice), toutes choses qui galvanisent les travailleurs et les élèves et qui leur donnent le sentiment d’appartenir à une famille professionnelle, à une entité soudée.
Troisièmement, la cérémonie d’honneur à l’emblème national qui se déroule tous les lundis matin à la place d’honneur de l’INFJ, pour inculquer à nos élèves l’esprit du civisme.
Quatrièmement, nous avons revu les curricula de formation. Certains programmes n’étaient pas adaptés, ni conformes à la formation professionnelle que nous devons assurer. Ces programmes ont donc été modifiés pour coller le plus à la formation professionnelle attendue. A la modification des programmes de formation, nous avons ajouté la modification des méthodes d’évaluation afin que l’évaluation reflète effectivement la valeur individuelle de chaque élève.
Cinquièmement nous avons mis en place une Commission d’organisation des concours. L’INFJ organise chaque année près de vingt-trois (23) concours, ce qui n’est pas facile. Nous avons donc mis en place cette commission afin de mieux maitriser l’organisation desdits concours.
Sixièmement, pour la première fois dans l’histoire de l’organisation du concours de la Magistrature, nous avons organisé une présélection au concours de la Magistrature. Ce qui a permis de retenir les meilleurs candidats pour compétir au prestigieux concours de la Magistrature.
Au plan administratif, avant notre arrivée, l’INFJ ne disposait pas d’un règlement intérieur. Nous avons donc élaboré le règlement intérieur de l’INFJ que nous avons soumis à la tutelle ; Laquelle, par Arrêté n°156 /MJDH/CAB du 16 juin 2023 l’a fixé approuvé. Nous avons également élaboré un organigramme et créer certains services approuvés par le Conseil de Gestion, l’organe suprême de l’INFJ.
Enfin au plan financier, l’INFJ est doté d’un budget unique pour son fonctionnement et celui des quatre écoles qui le constituent. Les écoles n’ayant pas de budget de fonctionnement propre à elles, nous avons procéder à un éclatement interne du budget de l’INFJ pour permettre aux écoles de disposer de crédits propres leur permettant d’assurer une gestion autonome de leurs activités.
Comparativement aux autres structures de formation similaires dans la sous-région, quels plus aviez-vous apporté ?
D’abord au plan matériel, nous avons les meilleures infrastructures de formation judiciaire de toute l’UEMOA, et de toute l’Afrique de l’ouest. Grâces à ces infrastructures modernes, nous avons une plus grande capacité d’accueil d’élèves en termes de formation mais également tout ce qu’il faut pour une vie étudiante convenable et propice aux études. A savoir, un campus, un restaurant universitaire, une médiathèque, des infrastructures sportives etc.
Ensuite, au plan administratif, l’INFJ, en tant que structure de formation judiciaire, est autonome. En ce sens qu’il ne dépend pas d’une autre structure de formation. Dans certains pays de l’UEMOA et de l’Afrique de l’Ouest, les structures de formation judiciaire sont encore dépendantes des Ecoles Nationales d’Administration. Elles prennent alors le nom d’ENAM. Ecole Nationale d’Administration et de la Magistrature.
Par ailleurs, bien que nous soyons sous tutelle du Ministère de la Justice et du Budget, l’Etat n’interfère pas dans l’organisation des concours d’accès. Il indique seulement ses besoins en personnel judiciaire et met à disposition, à travers le budget les fonds nécessaires à l’organisation des concours. Là s’arrête son rôle.
Enfin au plan académique, les recrutements pour la formation sont organisés de façon régulière ; pratiquement chaque année. Ce qui n’est pas le cas dans certains pays de la sous-région.
Quels sont vos projets à court terme, moyen et long terme ?
Nous avons plusieurs projets. Mais les plus importants sont à court terme, la délocalisation de l’organisation des concours de l’INFJ, du Centre de Formation continue à Abidjan, au siège de l’Institut à Yamoussoukro ; à moyen terme, la mise en place d’une formation initiale et continue à distance, par la création du e-learning ; à long terme, la digitalisation de l’INFJ qui est une recommandation de la tutelle et de nos partenaires au développement.
Y a-t-il toujours une insertion professionnelle garantie pour tous ceux qui sont diplômés de l’INFJ ?
Les élèves de l’INFJ sont formés pour exercer des emplois publics. Ce qui fait qu’ils ne connaissent pas de chômage après leur formation. Pendant qu’ils sont encore à l’école leurs emplois sont déjà prévus et garantis. Ils ne passent plus de concours pour avoir accès à un emploi. Le seul concours qu’ils passent est celui qui leur permet d’accéder à la formation, laquelle formation débouche directement sur un emploi. Je précise que les élèves de l’institut issu des concours directs sont tous boursiers.
Avez-vous des retours de performance de vos étudiants qui ont pu être insérés dans des structures ?
Oui d’une certaine façon. Il arrive que les chefs des services publics qui les reçoivent, nous interpellent sur la qualité de telle ou telle promotion formée à l’INFJ. Et cela nous remplit de fierté de savoir qu’ils ont été bien formés.
Quels sont les sentiments qui vous animent de vous savoir primé par la structure
AfriqueVérité ?
Sentiment de fierté d’avoir été choisi par Afrique Vérité et surtout d’avoir été lauréat du super prix qui porte un prestigieux nom. Celui du Président de la République de Côte d’Ivoire, son Excellence Alassane Ouattara. Je remercie Afrique Vérité de m’avoir ainsi honoré et à travers moi, l’institut que je dirige.
Quel message ou appel avez-vous à lancer ?
Je voudrais lancer un appel aux jeunes. Surtout aux jeunes diplômés. Je les invite à se porter nombreux, candidats aux concours d’entrée à l’INFJ. Certains d’entre eux pensent que l’admission aux concours est payante et que si tu n’as pas les moyens tu ne peux y réussir. D’autres soutiennent que si tu n’es pas recommandé par une haute autorité, tu ne peux être admis à aucun concours. Ainsi, avec ces préjugés, ils se laissent aller au découragement. Je voudrais leur dire de ne pas se décourager car il n’en est rien. Les concours de l’INFJ sont crédibles. Personne n’y interfère et ne paye de l’argent pour les réussir. Seul le travail permet de les réussir. Je les invite donc à se préparer plus sérieusement et les résultats seront satisfaisants. Pour toute information qu’ils s’adressent aux services officiels de l’INFJ.
Réalisé par Vincent BOTY