Changement climatique : Réunie à Abidjan, la CEDEAO travaille sur un marché standardisé de crédits carbone en Afrique de l’Ouest
Lemandatexpress – En réaction aux effets néfastes du changement climatique, la CEDEAO mise sur la mutualisation des efforts. L’organisation sous-régionale s’est réunie à Abidjan depuis le jeudi 6 août, pour trois jours de réflexion en vue de mettre en œuvre un marché standardisé de crédits carbone en Afrique de l’Ouest.
Certes, à l’instar de nombreuses régions du monde, l’espace CEDEAO contribue très faiblement au réchauffement climatique, avec des émissions représentant environ 1,8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cependant, comme l’a rappelé la Commissaire aux affaires économiques et de l’agriculture, « la sous-région ouest-africaine se situe au cœur des enjeux des changements climatiques ». Les scénarios les plus pessimistes annoncent, d’ici à 2060, une augmentation de température de +2,3°C en Afrique de l’Ouest.
C’est en partie ce sombre tableau qu’a dépeint Massandjé Touré-Litsé en ouverture de l’atelier de mise en œuvre d’un marché standardisé de crédits carbone en Afrique de l’Ouest, qui se tient à Abidjan du 6 au 8 août dans un complexe hôtelier de Cocody-Angré. Commissaire aux affaires économiques et de l’agriculture de l’institution, elle a ajouté que la région ouest-africaine a été identifiée comme « l’une des zones critiques puisque neuf des trente pays les plus vulnérables du monde font partie de la région CEDEAO-CILSS selon le Global Adaptation Index ». De plus, l’impact des changements climatiques sur le continent pourrait atteindre 50 milliards de dollars américains par an d’ici à 2040, avec une baisse supplémentaire de 30% du PIB d’ici à 2050, prévient la Banque mondiale.
Opportunitées à saisir
Pour faire face à ces défis climatiques, les crédits carbone s’offrent comme des opportunités à saisir, conformément aux instruments financiers mis en place pour la mobilisation des ressources financières dans le cadre des efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques sous l’Accord de Paris. Tout le sens de cet atelier qui a réuni, outre la Côte d’Ivoire, dix pays de l’espace CEDEAO, dont le Sénégal, le Bénin, la Sierra Leone, le Togo et la Guinée-Bissau.
Les partenaires techniques et financiers tels que l’Usaid, Be Zero Carbone, l’UEMOA, et le groupe africain des négociateurs prennent également part à cet atelier. La cérémonie inaugurale a été marquée par la présence de M. Parfait Kouadio, directeur de cabinet au ministère de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, représentant le ministre Assahoré Konan Jacques.
Avec la contribution de toutes ces parties prenantes, la CEDEAO veut réduire son retard en termes d’émission de crédits carbone en créant une symétrie entre les vendeurs et les acheteurs. « Notre souhait le plus ardent est d’établir un marché régional qui puisse permettre, à travers des projets d’économie ou de séquestration de dioxyde de carbone (CO2), de générer des crédits carbone certifiés, et de faciliter les transactions financières tout en favorisant l’atteinte des contributions déterminées au niveau national (CDN). Car aujourd’hui, les projets réalisés échappent aux États ouest-africains en raison de l’absence de registre fiable, ces derniers ne sont pas non plus comptabilisés dans le cadre des CDN des États », a expliqué Madame Massandjé Touré-Litsé, tout en remerciant les autorités ivoiriennes, avec à leur tête le président Alassane Ouattara, pour l’accueil chaleureux manifesté aux séminaristes venus d’ailleurs.
Synergie entre les États membres
Monsieur Parfait Kouadio, intervenant au nom du ministre Assahoré Konan Jacques, s’est félicité de l’initiative prise par l’organisation sous-régionale. Selon lui, cette rencontre est à saluer et encourager, car elle a pour « objectif de renforcer la synergie entre les experts des États membres de la CEDEAO afin de leur permettre de participer plus efficacement aux discussions internationales sur les marchés carbone ».
Pour l’émissaire du ministère de l’Environnement, la vulnérabilité actuelle des pays africains et de la CEDEAO en particulier ne doit pas être considérée comme une fatalité, mais comme un appel à l’action collective et à la solidarité régionale. Il reconnaît que des défis demeurent malgré la ratification de l’Accord de Paris en raison de la mise en œuvre de son Article 6 relatif aux mécanismes de marché et de non-marché carbone.
Enfin, considérant la mise en place d’un cadre règlementaire et institutionnel sur les marchés carbone comme un écueil majeur, Parfait Kouadio a rappelé la récente avancée réalisée par la Côte d’Ivoire, « celle de l’adoption en Conseil des Ministres, du Projet de décret de création du Bureau Marché Carbone le 1er août 2024 ».
Documents de base
Il convient de souligner que le travail des experts de la CEDEAO, au cours de cet atelier, sera consacré essentiellement à l’analyse des documents de base produits par une firme de consultants. Ces documents sont : i) un rapport d’analyse sur le potentiel de réduction ou de séquestration de carbone de la région ; ii) un rapport de diagnostic sur les mesures prises par les États membres dans le cadre de la mise en œuvre de l’Article 6 de l’Accord de Paris ; iii) un rapport sur la situation de référence tenant compte entre autres des relations fonctionnelles entre les marchés carbones nationaux, régionaux et internationaux ainsi que les éléments du marché régional de crédits carbone et son cadre de fonctionnement ; iv) un projet de cadre règlementaire et institutionnel pour établir le marché carbone régional.