4e mandat de Ouattara, les chances de Thiam, les problèmes de Gbagbo : un analyste politique fait des révélations à 18 mois de la présidentielle (La matinale expresse)
Lemandatexpress – François Soudan, Directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans un entretien sur RFI, dimanche dernier, a livré une analyse dépassionnée de la vie politique en Côte d’Ivoire, à quelques mois de l’élection présidentielle. Le journaliste français se prononce sur les différents défis qui se présentent aux trois candidats potentiels que sont Alassane Ouattara, Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo.
A un an et demi de l’élection présidentielle, la plupart des ivoiriens se posent d’abord une question : l’actuel président Alassane Ouattara sera-t-il candidat à un 4e mandat en 2025 ?
Oui, Alassane Ouattara n’a pas encore fait part de ses intentions mais la question longtemps taboue du 4e mandat ne l’est plus. C’est ce que soulignent nos envoyés spéciaux, Florence Richard et Vincent Duhem, dans ce dossier. Elle est même ouvertement posée, cette question, par son entourage qui estime qu’il est, pour l’heure, le seul à pouvoir incarner son camp et remporter une nouvelle victoire en 2022. Alors, certes, il existe au sein du RHDP, le parti présidentiel, des personnalités qui peuvent se considérer comme présidentiables. On pense au Vice-président Meyliet Koné, au Premier ministre Beugré Mambé, aux présidents de l’Assemblée et du Sénat, Adama Bictogo et Kandia Kamara, au gouverneur de la BCEAO, Jean-Claude Kouassi Brou… Mais rien évidemment ne se décidera contre la volonté d’Alassane Ouattara. Reste à savoir quelle est cette volonté. Il y a certes le problème de l’âge, de l’usure. Ouattara aura 83 ans le premier janvier prochain. Mais chacun aura remarqué, à Abidjan, que le président qui surfe sur d’assez bons résultats économiques, un climat de stabilité politique, a été boosté comme requinqué par l’atmosphère d’euphorie, d’unité nationale qui a entouré l’organisation de la dernière Coupe d’Afrique des Nations et surtout la victoire finale des Eléphants. Et surtout, plus prosaïquement, nombre de ses partisans estiment que lui seul est réellement en mesure de l’emporter face à la menace électorale incarnée par un certain Tidjane Thiam.
Tidjane Thiam, justement. L’ancien banquier qui a pris la tête du PDCI après la mort d’Henri Konan Bédié. Quelles sont ses chances ? Peut-il réussir à s’imposer ?
Tidjane Thiam a, ce que je puis dire, pour lui, d’avoir 20 ans de moins que l’actuel président, un profil de technocrate nourri d’expériences notamment bancaire, internationales, assez semblable finalement à celui de Ouattara de 2010. ll est effectivement en tant que président élu du PDCI, depuis décembre, de ce parti. Maintenant, il lui faut d’abord maîtriser les rouages de cette formation historique au sein de laquelle son ascension météoritique n’a pas fait que des heureux. On pense par exemple à Jean-Louis Billon, à Thierry Tanoh. Il lui faut aussi consolider ses alliances politiques en particulier son alliance sud-sud avec le parti de Laurent Gbagbo. Il lui surtout se faire connaître des Ivoiriens. Après une absence de plus de 20 hors du pays, il est indispensable pour cela qu’il casse son image de financier un peu hautain dans sa tour d’ivoire pour descendre, au niveau des vrais gens, comme on dit. C’est d’ailleurs ce qu’il compte faire, notamment une tournée nationale à l’issue de longues obsèques à la fois officielles et traditionnelles d’Henri Konan Bédié, qui auront lieu pendant deux semaines, du 20 mai au 02 juin prochain.
Enfin, il y a le cas de Laurent Gbagbo, l’ancien président, qui a lui aussi annoncé sa candidature…
Oui, soyons clairs, les chances de Gbagbo sont minces. L’ancien président, qui a 78 ans, fait partie, un peu comme le Guinéen Alpha Condé, de cette race de politiciens passés par l’opposition, qui n’abandonnent jamais jusqu’à leur dernier souffle. Mais il y a plusieurs obstacles. D’abord, il est pour l’instant toujours inéligible. Le deuxième défi, il faut convaincre. Si l’on en juge par les résultats des locales de septembre dernier, la greffe du nouveau parti, le PPA-CI, a bien du mal à prendre. Donc il y a un problème d’implantation, de discipline interne au parti, un petit problème d’égo passablement envahissant, et puis un problème personnel aussi. Vous savez, les partisans de Laurent Gbagbo n’ont toujours pas vraiment digéré la manière pour le moins cavalière avec laquelle il a éconduit l’ancienne première dame, Simone Gbagbo, qui demeure très populaire, lors de son retour à Abidjan il y a trois ans. Je crois que quelque chose s’est cassé ce jour-là.
Retranscrit par Martial Galé (source: RFI)