Reportage- Bouaké et sa métamorphose: Quand la seconde ville renaît de ses cendres après une décennie de crise
« Et pourtant, on lui a tout donné. Pendant les élections, tout le monde sait ce que les populations de Bouaké ont fait pour le président Alassane Ouattara, mais Bouaké est oublié. Tout le développement se passe ailleurs ».
Voici ce qu’on pouvait entendre çà et là dans la deuxième grande ville de la Côte d’Ivoire, et sur les lèvres de la quasi-totalité des habitants. Pour cette ville, ex-capitale de la rébellion qui a ébranlé le pays entre 2002 et 2010 et dont elle a péniblement pâti, de nombreux efforts doivent impérativement être fournis dans le but de la remettre sur les rails. Que dire, la doter des infrastructures nécessaires pour le bon fonctionnement d’une ville ordinaire. Lesquelles infrastructures qui ont été, à majorité victimes des courroux de cette crise militaro-politique. Avec une population qui se densifie à une vitesse de supersonique, discutée aujourd’hui entre 900 000 et 1 500 000 habitants, les infrastructures aussi bien administratives, professionnelles, routières, sanitaires, éducatives que vitales, mais et surtout commerciales pour cette ville dont l’activité principale reste indubitablement le commerce, sont une questions qui se pose comme une urgence, dont la résolution se doit être diligente. Tant, les bouakéens aspirent à ça. Cependant, l’on pourrait affirmer aujourd’hui, sans retenue que ces messages forts, ayant souvent des caractères d’agonie, sont tombés dans les oreilles ad hoc.
En effet, depuis plus de deux ans maintenant, ces commentaires qui faisaient l’état des lieux de ce que cette ville inconditionnelle du Rhdp (parti au pouvoir), serait oubliée et abandonnée par le chef de l’État Alassane Ouattara dans ses œuvres de reconstruction de la Côte d’Ivoire, ont laissé place à cette phrase de soulagement, « Bouaké connaît enfin son ascension », ou, « on ne va plus reconnaître cette ville dans quelques temps » et encore « le président ADO est incroyable. Il est en train de transformer Bouaké ». Ces réjouissances s’expliquent simplement par la présence actuelle des chantiers inouïs, ce dans tous les domaines, pour le grand bonheur de toutes les populations. Tellement énormes en taille et maints en nombre, ces ouvrages sont, la réhabilitation et l’agrandissement du stade de la paix de Bouaké, l’agrandissement de la nationale A3 et le bitumage des voies secondaires de la ville, la construction d’un nouveau CHR, la construction d’un centre de service civique, la réhabilitation de la piscine municipale, la construction d’une cardiologie au sein du CHU, la construction de l’autoroute Yamoussoukro-Bouaké, etc. À ceux-ci s’ajoutent la dotation de la ville des bus version émergente, de taxis dernière génération. Mais, parmi ces actions, il y en a une qui est apparue comme un souffle de vie pour les populations de cette ville extrêmement commerciale. Il s’agit de la construction du grand marché, dont la pose de la première pierre a été faite par le président ivoirien et son homologue français Emmanuel Macron, le 22 décembre 2019, sur le même site de ce marché parti en fumée en 1998.
Un marché qui annonce le redressement économique de Bouaké…
Littéralement englouti par les flammes avides, qui l’ont complètement emporté laissant ainsi plus de 9 hectares de cendres et de ferraille en 1998, le grand marché de Bouaké est, depuis ce jour resté un dépotoir d’ordures. Faisant ainsi de Bouaké autrefois extrêmement active par les mouvements d’échanges commerciaux, une commune inerte où, les populations fortement dominées par les jeunes, ont d’énormes problèmes à trouver quelque chose pour bricoler afin de se faire un peu de sous. Ce, pendant de nombreuses années. Les pouvoirs se succèdent, les cris de cœurs de ces peuples cosmopolites deviennent aigus, les promesses se font bon train. Mais, aucune réaction favorable ne voit le jour, encore des signaux à l’horizon. Jusqu’à l’avènement de la crise politico-militaire le 19 septembre 2002, qui a complètement inhumé cet espoir dérisoire qu’avait encore d’autres. Arrivant, la crise a permis à nombre de jeunes de trouver une lueur d’espoir dans les mototaxis. Un sujet fortement discuté. Car, d’une part applaudi au regard de toutes ces personnes que ce métier de l’informel nourrit, et d’autre part incriminé car, selon d’aucuns, “le secteur de mototaxi a engendré et attiré les jeunes dans la dépravation, au banditisme, à la recrudescence de la toxicomanie, qui accroissant par conséquent la criminalité dans la capitale du centre de la Côte d’Ivoire et ses environs.
Mais, l’espoir fut progressivement exhumé lorsque le président de la république, Alassane Ouattara accède au pouvoir, qui a, depuis les campagnes électorales de 2010 qui ont précédées son élection, promis de faire pousser sur ces hectares, des bâtiments qui serviront de magasins pour les commerçants. Ces mots sont pris avec beaucoup de retenue, de réserve et de méfiance, en expérience aux pouvoirs précédents. Celui-ci, acharné et obstiné à donner au pays son lustre d’antan se met au travail et rassure progressivement les sceptiques, les paranos et autres incrédules. Jusqu’à la pose de la première pierre effectuée par le Président ivoirien Alassane Ouattara et français Emmanuel Macron, en marge d’une visite de ceux-ci effectuée à Bouaké le 22 décembre 2019. Depuis lors, les travaux de construction de cet édifice hautement économique vont à vive allure car, aux dires du premier magistrat de la ville Youssouf Djibo Nicolas, qui suit de près ces travaux, « le grand marché de Bouaké qui sera le plus grand marché couvert de l’Afrique de l’ouest avec pas moins de 8500 places, doit faire partie de ces nombreuses infrastructures qui vont offrir un beau paysage aux pays qui viendront séjourner à Bouaké, à l’occasion de la CAN 2023 qui sera organisée par la Côte d’Ivoire. Pour cela, la grande partie du marché sera livrée au plus grand tard le 1 er janvier 2023 et la totalité, avant le mois de juillet de la même année ». Ce dernier a rassuré de maintes fois sur le respect de ce calendrier. Mais pour faciliter l’acheminement des marchandises vers ce marché mythique qui a coûté 40 milliards de nos francs, l’État ivoirien, par le truchement du pouvoir en place entreprend des travaux d’aération des voies de la deuxième grande ville du pays, dont la plus importante est la nationale A3.
L’agrandissement de la nationale A3, et le bitumage des voies secondaires de la ville…
Ne disons-nous pas que la route précède le développement ? Si il y en a qui ne l’ont pas encore compris, les bouakéens, eux, ils partagent forcement cette assertion. La nationale A3, passage inéludable pour rallier le sud de la Côte d’Ivoire au nord par la voie terrestre, ne chagrine jamais tellement celle-ci est usitée par les usagers, aussi bien ivoiriens qu’étrangers, parce qu’elle est celle qui sert de passage pour les véhicules qui viennent des pays de la sous régions, pour Abidjan la capitale ivoirienne. Mais, la densité du trafic sur cette voie était prétexte des accidents nombreux, des bouchons et des embouteillages monstrueux, surtout au niveau de la gare routière et du quartier commerce (quartier des affaires de Bouaké). Longue de près de 10 kilomètres, la redéfinition des mensurations et des caractéristiques de cette voie en 2×2 voies de 36 mètres de largeur, contre 20 mètres avant, est une nouvelle qui a apporté un ouf de soulagement dans les cœurs des habitants de Bouaké en général et des usagers et commerçants en particulier. Les travaux entamés il y a des mois, ils sont censés prendre fin avant fin du mois de novembre 2022 et mise en service.
En sus de la nationale A3, la quasi-totalité des voies secondaires de la ville sont aussi bitumées. Tout comme le grand marché couvert, la nationale A3 se veut aussi un des joyaux qui offriront une CAN jamais vécue pareille par les quatre pays qui séjourneront ici, à Bouaké. Une route bien faite, facilite la circulation des véhicules. Donc, pour apporter encore plus d’aisance dans la vie des populations, le gouvernement Patrick Achi a opté pour la mise en circulation des bus Sotra. Question de faciliter la mobilité des populations dans cette ville où le moyen de déplacement le plus convoité reste les mototaxis.
La Sotra, les taxis Ivoire et les minibus pour désengorger la mobilité des populations…
Dans le cadre de l’amélioration de la mobilité urbaine et du déroulement de la Coupe d’Afrique des Nations 2023, le gouvernement a décidé de l’extension des activités de la Sotra dans les grandes villes du pays telles que Bouaké, Yamoussoukro, Korhogo et San Pedro. Pour la ville de Bouaké, la Société de Transport Abidjanais a lancé ses activités le 24 septembre 2021 au palais de carnaval en présence du premier ministre Patrick Achi et du ministre des Transports Amadou Koné, fils de la ville. Pour la petite histoire, l’arrivée de Sotra était un vœu des populations de la région du Gbêkê, formulé à l’endroit de leur “Messie” le ministre Amadou Koné, qui a aussi fait la promesse d’envoyer la Sotra pour le grand bonheur des populations. Aussitôt lancé, ce moyen de déplacement fortement loué par les abidjanais n’a pas peiné à séduire également les bouakéens. En si peu, la Sotra reçoit déjà les éloges des uns et des autres, tant elle est apparue comme une réponse à cette cruciale question de transport des personnes, qui taraudait l’esprit à plus d’un.
En effet, Bouaké a, depuis la crise de 2002, manquant de moyens de transports intra-urbain, trouvé refuge auprès des mototaxis, que les populations avaient seulement sous les mains, après les taxis communaux. Que faire donc, s’il n’y a d’autres moyens pour se mouvoir ? Car en son temps, ces taxis communaux étaient rares et n’acceptaient pas de rentrer dans les quartiers à cause de l’état chaotique des routes. L’insécurité et tous les risques qui accompagnent l’usage de ces mototaxis dont les conducteurs ne sont pas formés à la chose, n’ont pas de permis de conduire donc ignorent tout du code routier, et n’ont aucun équipement de protection des passagers en cas d’accident, ne décourageaient pas les populations à les solliciter. Au premier rang desquelles, figurent les élèves et étudiants. « J’habite le quartier Dar-es-Salam, je suis étudiant au campus, en Géographie. Alors que le campus et ma maison sont diamétralement opposés. Pour m’y rendre par le passé, je marche jusqu’au goudron environ 1,5 kilomètres. Mais le véritable problème c’est avoir un taxi, car il n’y a pas de possibilité qu’un taxi te prenne quand tu es seul jusqu’à l’université. Pour ce faire, soit tu prends toutes les quatre places à 800 francs à raison de 200 francs la place, ou tu fais recours à un mototaxi qui t’accepte à 400 voire 500 francs », en témoigne Diarra Abdoul Karim. Mais, cet état des choses est maintenant un mauvais souvenir pour les apprenants. Car, à seulement 200 francs, les bus Sotra assurent la liaison des quatre points de la ville. Mieux, pour les élèves et étudiants, avec la carte qui coûte 3000 francs, permet à l’acquéreur d’être abonné aux services de la Sotra, ce pendant un mois, avec possibilité de renouvellement. « Celui qui a eu l’idée ingénieuse de faire venir la Sotra à Bouaké, a donné la vie à toute une population lui seul. Les bus sont pour nous d’une utilité indescriptible. Ils nous soulagent vraiment en matière des dépenses que nous faisions quotidiennement dans le transport pour aller à l’école. Au lieu de 1000 francs que je dépensais en aller et retour par jour, je ne paie maintenant que 400 francs. N’est-ce pas formidable ça ?. Je salue pour ce faire le premier responsable de tout ça, le président de la république Alassane Ouattara, qui bosse d’arrache-pied pour embellir nos vies.
Merci président », a salué Camara Mohamed Junior, élève en 4eme au Lycée Martin Luther King, habitant le quartier Maroc à environ 7 kilomètres. Par ailleurs, il est important de savoir qu’en plus des 73 bus flambants neufs qui ont été mis en service sur quatre lignes au lancement des activités de la Sotra à Bouaké en attendant que la centaine de bus prévus ne soient déployés sur toutes les autres lignes restantes; 30 taxi-ivoire flambants neufs sur les 200 prévus par le projet ont été remis à 13 entreprises de transport, le 30 décembre 2021. Et force est de reconnaître que toutes ces nouveautés pour la ville, contribuent à apporter un mieux-être à ces populations qui étaient convaincues d’être omises dans le développement fulgurant que connaît la Côte d’Ivoire depuis une décennie maintenant.
Un stade et ses annexes, ainsi que des infrastructures, à la dimension de la CAN 2023…
Avec un taux d’avancement global de 94% dont le stade de compétition est achevé à 92% et la cité CAN à 95%, et avec une population impatiente pour rendre encore plus belle cette fête du ballon rond, Bouaké dispose de tous les arguments indispensables au triomphe de la Côte d’Ivoire quant à l’organisation de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations. Faisant partie des cinq stades d’Abidjan, de San Pedro, de Yamoussoukro et de Korhogo sur lesquels se disputeront les matchs de la plus importante compétition footballistique d’Afrique, le stade de la paix de Bouaké, pour un montant de 23.33 milliards de franc CFA, passe de 25 000 places initiales à 40 000 places, ce qui lui a valu le rang du deuxième plus grand stade du pays.
Ainsi, pour donner plus de confort au quatre pays qui seront hébergés pour la cause dans la capitale du Gbêkê, ce sont 32 villas de 5 pièces qui sont sorties de terre. Non sans compter les villages de la Can qui verront jour. Cependant, l’ex-Gbêkêkro ne s’est pas arrêté là dans le confort à offrir aux compétiteurs de la Can. Plusieurs autres infrastructures sont en chantier aussi bien dans le domaine sanitaire, sécuritaire que dans celui du loisir et de divertissement.
Pour la mythique piscine de Bouaké, qui a fait ses preuves et a offert une vie inoubliable aux populations dans les années 90, si l’on s’en tient aux propos tenus par le ministre des sports Danho Paulin, à l’occasion du lancement des travaux de réhabilitation de la piscine municipale autrefois l’Eldorado de Bouaké, « elle sera reconstruite à hauteur de 500 millions de FCfa. Par contre, le complexe qui sera bâti sur une superficie de deux hectares coûtera 4 milliards de FCfa, financé par l’État de Côte d’Ivoire autorisé par le Président de la République ». Lequel événement a été l’occasion pour le maître de la métamorphose de Bouaké le ministre Amadou Koné, de saluer une fois encore, l’implication du chef de l’État pour offrir une vie meilleure aux bouakéens. Pour lui, « c’est un projet intégré qui consiste à créer un lieu de vie à Bouaké. Pas seulement par nostalgie, mais parce que c’est devenu un besoin pressant pour les populations de Bouaké et tous ceux qui y viennent pour des séjours. En somme, c’est un complexe de loisir qui épouse l’air du temps ».
C’est aussi parce qu’une fête ne saurait faire plein succès si l’aspect sécuritaire n’est pas de mise, que, la ville de Bouaké entend renforcer son arsenal sécuritaire. Pour ce faire, en plus des forces de l’ordre, de défense et de sécurité déjà en place, un centre de service civique, qui a aussi les mêmes connotations que les corps habillés, est en chantier, localisé sur le même axe Bouaké-Daoukro. Anciennement abrités dans l’ancienne base des Onusiens sise au quartier Belle-ville, les soldats issus de ce centre de formation viendront appuyer les forces déjà en action pour faire régner la quiétude dans la ville, surtout en ces périodes de la coupe d’Afrique.
Un CHR, une cardiologie, un centre de service civique, la piscine municipale…, sont la dernière touche pour compléter le tout…
Situé à la sortie est de la ville, précisément sur l’axe Bouaké-Daoukro sur une superficie de 10 hectares, les travaux de la construction du Centre Hospitalier Régional de Bouaké ont démarré le 12 octobre 2020 en présence de nombre d’autorités au rang desquelles le ministre Amadou Koné qui a officiellement lancé lesdits travaux. Avec une capacité d’accueil est estimée à 150 lits et comportant plusieurs services, notamment, la maternité, la pédiatrie, la médecine générale, la chirurgie, les soins intensifs, l’ophtalmologie, la neurologie. Il sera également doté d’une urgence médicale, d’un cabinet dentaire, d’un bloc opératoire, d’un service d’imagerie CT et IRM, d’une dialyse, d’une pharmacie, d’une morgue, d’un bureau de sécurité, d’une résidence du directeur général et d’un logement du personnel de garde, ce CHR viendra pour aussi bien en supplément qu’en complément au CHU en activité depuis 1964. Toutes ces réalisations estimée à plus de 25 milliards francs CFA mobilisés auprès de la Banque Nationale d’Investissement (BNI), tendent à offrir encore plus réponses satisfaisantes aux, questions de santé des habitants du centre. En plus de ce futur CHR tant souhaité, s’ajoute la cardiologie en chantier dans l’enceinte du CHU de Bouaké et qui est presqu’arrivé à son terme. Il faut dire que jusque-là, cette grande institution sanitaire qu’est le Chu était dépourvue d’une cardiologie digne de son nom.
Cependant, s’il est indéniable de reconnaître que depuis si peu, de maints projets offrent déjà l’espoir d’un bel avenir aux populations de Bouaké en particulier et du grand centre en général, force est de reconnaître que de nombreuses actions restent encore à faire, pour satisfaire un tant soit peu la soif de développement qu’a cette population de la deuxième plus grande ville du pays. Ces actions sont entre autres la création d’emplois pour les jeunes à travers la réouverture des usines fermées à causes de la crise de 2002.
Le souhait des populations…
Pour assouvir la soif de travail des jeunes de la capitale de la paix, la création des emplois est la seule issue favorable. Et la plus importante est la réouverture de l’usine de Gonfreville construite en 1921, sur 60 hectares, qui employait environ 4000 personnes. Ce qui contribuera efficacement à réduire le taux de chômage qui reste vraiment déplorable au niveau des jeunes. Aussi, dans cette ville avec une forte croissance démographique où la main d’œuvre ne se fait pas rare, car ayant une population majoritaire jeune valide, il est souhaitable d’encourager le secteur de l’entrepreneuriat en finançant pour ceux qui en ont, des projets. Que ce soit dans le formel comme dans l’informel. Sans oublier de régulariser le secteur de mototaxi qui permet à plus de 75% des jeunes d’avoir de besoin à survenir à leurs besoins, même si les commentaires sont divergents et se querellent à ce qui concerne ce secteur.
Alpha Kéita, à Bouaké