Souveraineté économique de Afrique: Moussa Sanogo, Adama Coulibaly et Kaba Nialé partagent la vision de la Côte d’Ivoire
Le ‘‘Leadership Forum 2022’’ organisé, le lundi 03 octobre 2022, au Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan, par le Centre d’études prospectives (CEP) a servi de tribune pour les ministres Kaba Nialé, Moussa Sanogo et Adama Coulibaly afin de partager leur vision d’une « Afrique face à la reconstitution de l’ordre économique mondial ». Et partant, de garantir la souveraineté économique et financière du continent.
Avec « l’émergence de nouvelles économies telles que la Chine, la Turquie et l’Inde, le monde fait face à deux blocs économiques dont le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui représente 41% de la population mondiale, près de 20% du PIB et 50% des réserves d’or et de devises mondiales. Face à tous ces bouleversements l’Afrique ne peut plus se permettre d’être spectatrice et se contenter de subir les effets du changement », a indiqué Kaba Nialé, ministre du Plan et du Développement qui a ouvert les échanges. C’est pourquoi, a-t-elle souligné : « l’Union Africaine demande avec constance et insistance une réforme des Institutions de Breton Wood et plus largement du système des Nations unies ».
Définissant la souveraineté économique, le ministre de l’Economie et des Finances, Adama Coulibaly, a fait savoir que c’est « la situation de moindre ou faible dépendance économique du continent africain vis-à-vis du reste du monde ». Cette souveraineté, vue sous le prisme de « l’industrialisation, il est claire de constater que les pays africains continuent d’exporter les produits primaires agricoles et miniers. De telle sorte que la valeur ajoutée est captée par les pays qui transforment et les pays qui commercialisent les produits finis », a-t-il fait remarquer. Prenant l’exemple sur le cacao, le ministre a relevé qu’il représente « 110 milliards de dollars en termes de business ». Et les pays producteurs « ne captent que de 6%, soit moins de 6 milliards de dollars. C’est le cas pour les produits miniers produits sur le continent africain. Tout cela pose le problème de la transformation », a-t-il déploré. Pour Adama Coulibaly, « il faut que l’Afrique puisse être en position de pouvoir transformer ses produits primaires, développer ses chaînes de valeur de manière à pouvoir engranger une part sur la valeur ajoutée et créer de l’emploi ».
Le ministre a par ailleurs fait savoir que cette souveraineté économique doit prendre en compte l’indépendance monétaire qui elle-même, doit être le fruit d’une monnaie unique, commune aux pays africains. De sorte à faciliter les échanges intra-africains. « Les échanges intra-africains aujourd’hui, représentent 16%. En Europe avec l’euro, les échanges intra-européens sont autour de 60%. En Asie, c’est 60%. Comparativement à l’Afrique, les pays n’échangent pas entre eux. Il faut donc aller vers des mécanismes qui permettent de soutenir et de renforcer les échanges pays africains. Les pays africains ont des monnaies diverses, en dehors de l’UEMOA qui dispose d’une monnaie unique. Tout ça, ce ne sont pas des choses qui sont capables de faciliter les échanges d’autant plus que les systèmes de paiement entre pays voisins nécessitent de faire appel à des pays hors d’Afrique », a-t-il recommandé. Avant de soutenir que « l’Union Africaine qui en a pris bonne conscience de cela, a prévu de développer une union douanière, une zone économique et un marché commun africain et également une union monétaire africaine ». « Dans le cadre de l’agenda 2063, il est prévu sur la période décennale 2013-2023 de poser les jalons de tout cela, et la ZLECAF est un exemple parfait », a relevé le ministre Adama Coulibaly.
Dans la même veine, le ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat, Moussa Sanogo, a insisté sur le fait que les Gouvernement africains doivent travailler à « la mobilisation des ressources internes qui est intimement liée à la souveraineté ». Ce qui passe par la capacité de l’Afrique à « produire suffisamment de ressources à l’intérieur » pour ne pas être obligée « d’aller chercher des ressources à l’extérieur pour pouvoir compléter celles qui manquent pour financer des biens et services collectifs ».
« La problématique importante pour nos pays, c’est comment on fait pour faire en sorte que les ressources que nous produisons à l’intérieur soient suffisantes pour réduire ce niveau de dépendance. Au niveau par exemple de l’UEMOA, on s’est fixé un taux de 20% de taux de pression fiscale, c’est-à-dire le volume de réserve fiscale que nous collectons en rapport avec le PIB. En ce moment, aucun de nos pays n’atteint ce taux-là, et donc ça nous interpelle. Ça veut dire qu’il faut faire en sorte que notre contribution à la prise en charge des biens et services collectifs soit à niveau. Ensuite, nous devons avoir une administration fiscale qui est suffisamment performante pour faire en sorte que nous puissions collecter l’ensemble de ces ressources-là pour financer les investissements ».
Notons qu’à l’ouverture de ce Forum International, le ministre des Ressources Animales et Halieutiques, Sidi Tiémoko Touré, par ailleurs, Président Fondateur du CEP – Centre d’Etudes Prospectives, a rappelé que ce Centre ambitionne d’être une véritable institution œuvrant pour la promotion des politiques de développement du continent, positionnée sur l’échiquier international.
Abdel-Habib Dagnogo