Election Présidentielle en France : Kpoyou Gae, présidente de MLCI: « Voici pourquoi mon choix s’est porté sur Emmanuel Macron »
Madame Kpoyou Gae est la présidente du Mouvement de Lutte contre les Inégalités (MLCI). Dans cet entretien, elle explique les objectifs de la mise en place de son mouvement. Elle se prononce également sur son choix à la présidentielle Française, Emmanuel Macron. La candidate à la députation en 2016 fait savoir sa vision pour la Côte d’Ivoire.
Vous êtes la présidente du Mouvement de lutte contre les inégalités (MLCI). Il s’agit de quoi concrètement ? Et quelles actions avez-vous déjà posé ?
Le mouvement est né en mars 2020. Vu les inégalités constatées sur le terrain, je me suis dit qu’il ne fallait pas rester les bras croisés. Il fallait créer un instrument pour pouvoir lutter contre les inégalités. Concernant les élections, il y a des personnes qui ont des idées, mais qui n’ont pas assez de moyens, surtout les candidats indépendants. Des candidats issus de partis politiques déployaient l’artillerie lourde sur le terrain. Contrairement à d’autres. C’est de là qu’est partie l’idée. En Afrique, on fait comprendre aux parents que l’homme politique, c’est celui qui est riche financièrement, et qui vient changer leur vie. C’est triste et malheureux. Moi je me bats pour mes idéaux, bien que je ne suis pas riche comme eux. Mais je fais l’essentiel pour me faire écouter. L’homme politique, c’est celui qui porte une vision et qui n’a pas peur de la promouvoir. C’est la sincérité. Pour réaliser certaines choses, il faut arriver aux affaires pour financer certains projets. Nous avons mené quelques minimes actions sociales sur le terrain dans notre région. Nous trouvons cela insignifiant par rapport à la richesse qu’elle regorge.
Voulez-vous briguer la magistrature suprême en Côte d’Ivoire ?
Bien évidemment, je suis en politique, et j’ai une grande ambition et une grande vision. On ne s’engage pas sur le bout des lèvres. On le fait en toute objectivité. J’ai eu des déclarations fortes sur le 3ème mandat. Alors que je n’étais pas trop au pays. Il n’y a que des hommes qui ont gouverné en Afrique, à l’exception du Libéria où on a eu une femme. Elle a montré combien de fois la femme tient parole pendant que les hommes font mains et pieds pour pouvoir rester au pouvoir. Elle a joué son rôle, et apporté la paix et l’unité à son pays. Je suis une fille qui est arrivée très tôt en France, et j’ai eu la chance d’avoir deux cultures et éducations. Je ne serai pas de ceux qui vont dire ‘‘ battez-vous’’. Je serai celle qui dira ‘‘unissons-nous’’pour une coopération nouvelle, une Côte d’Ivoire forte. Pour que la Côte d’Ivoire puisse être forte demain, il faut copier sur la France et non le contraire. Nous avons encore beaucoup de chose à apprendre. Nos ainés, avec leur règlement de compte, nous ont refoulés des années en arrière. Il faut faire en sorte que nos enfants ne se jettent plus dans la mer.
Est-ce que vous avez des hommes pour mieux mener ce combat ?
On ne dirige pas seul, une nation. Il y a des personnes qui sont déjà là, et qui ne savent même pas encore où aller. Parce que ceux qui sont sur le terrain ne leur accordent aucune confiance. Ils attendent comme nous. Il faut être sur le terrain. Et pour cela, il faut qu’il y ait une véritable liberté d’expression dans le pays. Et ne pas foutre en taule tous ceux qui dénoncent. Il faudrait déjà que nous nous battions et que le message passe sur le plan international. Lorsque toutes les conditions seront réunies, nous descendrons sur le terrain pour dire, voici la personne capable. Nous sommes dans un monde, et nous devons être ouverts à ce monde pour pouvoir grandir, exercer et prospérer.
Que voulez-vous changer au niveau de la gouvernance en Côte d’Ivoire ?
Ma déclaration a été toujours la même. Je suis ivoirienne, et c’est une grande richesse pour moi d’être élevée par une grande nation. J’ai toujours été une personne qui aime la justice. Gbagbo a été déporté, on a tous condamné cela. Nous avons même marché. Aujourd’hui, la justice a primé. Il y en a encore en prison. Nous le dénonçons. Moi, ce que je voudrais faire comprendre aux Ivoiriens, c’est qu’il faut que nous sachions dans quel monde nous sommes. Les rapports de force, ce n’est pas de parler mais travailler. Alors il faut travailler. Et moi je viens mettre les Ivoiriens au travail. Ma chance est que j’ai connu la France. Elle m’a donné la force de croire en moi. Qu’on soit universitaire ou pas, on a quelque chose à donner. L’intelligence n’a rien à voir avec les diplômes universitaires. C’est cette pensée que je voudrais inculquer aux ivoiriens en particulier, et aux africains en général. Il faut parler moins et travailler plus. Quand on n’a pas de force et qu’on gueule, on peut être écrasé, et il n’y aura rien. La lutte contre les inégalités dont je parle, ce n’est pas qu’il faut s’asseoir et attendre des autres. Même quand on est un handicapé, on doit se lever. Avec le handicap, on peut relever des défis. Je n’ai pas fait de hautes études. Mais je me bats pour montrer aux yeux de tous qu’on peut y arriver sans avoir forcément un niveau universitaire. Dans une nation, on a besoin de tout le monde. Nous avons nos frères et sœurs qui sont diplômés. Même ceux des familles modestes, il y en a qui sont hyper diplômés. Malheureusement ceux-là, on ne leur donne pas la chance de travailler. Bien au contraire, on leur demande de payer pour entrer à la fonction publique. Les diplômés doivent être à leur place, aussi ceux qui n’ont pas eu la chance d’en avoir, la nation a besoin d’eux. C’est l’ensemble de toutes ces personnes qui forment la société. Mon combat aujourd’hui, c’est d’écouter tout le monde. Il faut écouter toute la population. Et prendre la meilleure des propositions pour bâtir la nation. C’est une force. Il faudra, demain, construire des écoles fortes et de renommée. Nous devons former nos médecins, pétrochimistes, infirmiers…Toute personne qui a quelque chose à donner à la nation sera la bienvenue. Nous allons surtout miser sur la compétence.
Par rapport à l’élection présidentielle en France, Vous dites apporter votre soutien à Macron. Qu’est ce qui explique ce soutien ?
Le Président Macron et moi, je peux dire que cela a été un coup de foudre. En 2016, quand j’étais en campagne en Côte d’Ivoire, il l’était aussi en France. Je ne pouvais donc pas ne pas le soutenir. Un jeune homme économiste mais surtout ministre de l’économie d’un président sortant, il faut vraiment oser, et il osé. Macron, un jeune économiste que personne n’a imaginé. Beaucoup attendait François Hollande. Et, tout d’un coup, un jeune homme se lève et dit qu’il veut être candidat. Cela a surpris tout le monde. J’aime ce genre de personnes qui lancent des défis et qui les relèvent. Il a été le jeune candidat et le jeune président. Il a dirigé avec toute la classe politique y compris des jeunes africains. Il a été celui qui a eu le pire quinquennat, mais il est débout. On a eu les gilets jaunes, la Covid… Il est toujours resté débout et la France est resté débout. Aujourd’hui grâce à son discours de paix, la guerre n’arrivera jamais chez lui. Là où ses amis disent, monsieur Poutine est un sanguinaire, Ceci, cela. Macron a dit Non. Il a dit il faut que j’appelle Poutine pour parler avec lui. Parce que nous devons sauver notre Europe. D’autres ont dit, c’est un dictateur. Mais lui, il n’a pas eu peur. Il a osé. Et j’aime ceux qui osent. Il n’est pas de ceux qui s’asseyent et parlent. Il s’est levé et a agi. Voilà les raisons de mon choix pour Macron. En Choisissant Emmanuel, c’est la France que je choisis. Cette France m’a éduquée. Je ne lancerai jamais de pierre à la France. Elle m’a nourrie, m’a donné la chance. Elle m’a formée, et m’a aussi donné une stabilité en régularisant ma situation de vie privée et familiale. Ce qui m’a permis de travailler. Si je suis capable de lancer un mouvement politique, c’est parce que j’ai connu la France. Chez moi en Côte d’Ivoire, on se base beaucoup sur les diplômes, mais la France, elle parle de capacité, compétence. C’est cette France que je voudrais apporter aux jeunes de l’Afrique et ivoiriens. Sans toutefois cracher sur nos cultures africaines. La base. C’est cette France qui nous rappelle de ne pas oublier nos cultures. C’est très important. Par contre, nous, nous jetons tout. Et on n’est ni ivoirien et ni autre. Je parle de cette France avec beaucoup d’amour sans oublier que je suis originaire de Côte d’Ivoire et fille Dida. Je voudrais aussi m’adresser à mes frères Dida et Bété, car j’ai été agressée sur les réseaux sociaux comme celle qui a trahi Laurent Gbagbo. Sachez que soutenir Gbagbo n’est pas un service militaire, encore moins un extrait de naissance, et je n’ai jamais été un membre du Fpi. Je soutiens Macron parce que c’est en France que je paie mes impôts et où ma famille se trouve.
Vous avez passé une trentaine d’années en Europe. L’Afrique et l’Europe, des réalités différentes. Est-ce que vous avez mesuré tout cela ?
J’ai déjà été candidate aux législatives et municipales. Une ivoirienne qui a passé toute sa vie en Côte d’Ivoire et moi qui ai fait une trentaine d’années en Europe, si on nous met en compétition sur les réalités africaines, je crois que je battrai l’ivoirienne qui a passé son temps en Côte d’Ivoire. Il ne s’agit pas d’être seulement sur le terrain. Il faut aimer sa nation. Quand on m’aime, c’est sûr qu’on ne va jamais oublier tout ce que les parents ont enseigné. Je suis toujours la même.
Il y a un sentiment anti-français qui nait dans l’esprit de la nouvelle génération africaine. Ne craignez-vous pas d’être taxée de pion de la France ?
Il faut bien qu’il y ait une personne pour changer cela. Et je serai la personne qui le fera. Nos aînés n’ont rien apporté à la jeunesse. Ils nourrissent donc ce sentiment anti Français. Je le sais, et j’ose pour faire comprendre, demain aux ivoiriens, que nos aînés qui ont échoué, ce n’est pas l’homme blanc. Depuis que le blanc à penser aux boites à lettres, l’homme noir n’a pas pensé qu’on pouvait avoir aussi des boîtes à lettres dans nos rues et devant nos domiciles. Surtout avoir des rues bien tracées. Ils ont tracé des rues sans même penser aux personnes handicapées. Ce n’est pas l’homme blanc. Il faut finir avec ce sentiment pour avancer. Ils se cachent derrière ce sentiment pour ne rien faire. Au temps colonial, nos mamans disaient quand elles arrivaient, il y avait le minimum. Maintenant qu’est ce qui se passe ? Nous avons la terre, est ce que c’est le Français qui nous dit de fuir notre agriculture ? Il est dit que la richesse de la Côte d’Ivoire repose sur l’agriculture. Mais on ne mange pas à notre faim. Jusqu’aujourd’hui, aucun dirigeant n’a pensé qu’il faut moderniser l’agriculture. Est-ce que c’est la France qui nous bloque ? Pendant qu’ils nourrissent ce sentiment anti français, leurs enfants sont ici en Europe. Malheureusement, l’homme africain n’a pas d’imagination. Il ne sait pas comment imaginer pour créer des emplois. C’est ce que nous voulons changer demain. J’aila peau noire, mais au fond de moi, ce sont les deux couleurs, blanc et noire. C’est une richesse.
Etes-vous de ceux qui aspirent au renouvellement de la classe politique ?
Quand les gens disent qu’il faut laisser la place à une nouvelle génération, cela ne veut pas dire qu’il faut s’asseoir et que cela nous trouve au salon. Moi je me bats pour faire valoir mes idéaux. Je me bats pour déclencher cette flamme en la jeunesse. On ne reste pas là à soutenir la vieille génération. On ne demeure pas dans un club de soutien et parler de nouvelles générations.
Votre mot de fin…
La France n’est pas l’ennemi de l’Afrique. Nous les africains devrons s’asseoir pour nous remettre en cause. Nous avons des problèmes communs, mais chaque nation doit se réveiller. Ouattara a eu 3 mandats, il a gouverné tranquille, il n’y a pas eu de rébellion. Les Ivoiriens se plaignent des prix des denrées alimentaires. Nous n’avons d’imagination pour créer des emplois. Je l’ai dit tantôt. Les 30 ans passés en France, j’en ai fait 20 sur le terrain et je connais la valeur du travail. J’appelle donc la nouvelle génération au travail qui est la liberté. On a tous le droit de soutenir qui on veut. Mais, celui qui vient vers nous, nous devons savoir son discours, sa vision. Il faut donc respecter le choix de chacun. C’est ça la démocratie. Nos gouvernants doivent aussi promouvoir la liberté d’expression. Chez nous, Ouattara doit laisser l’autre parler et faire des propositions pour qu’ensemble nous construisions une nation forte. On peut mettre les idées d’autrui en pratique, et l’on pourra toujours dire que c’est toi qui as travaillé. Nous demandons au Président Ouattara de libérer tous les prisonniers politiques. Gbagbo l’a dit, c’est lui qui était le premier acteur. Il est libre, il faut donc penser aux autres qui sont encore dans les prisons. Ce n’est pas logique que Gbagbo soit libéré et que les autres soient en prison.
Réalisée par Hilaire Gueby