
Tidjane Thiam, depuis la France: “Ce sont des personnes proches du pouvoir qui ont monté cette plainte”
Lemandatexpress – En France depuis quelques semaines, Tidjane Thiam s’est confié à ITV, une chaîne de télévision anglaise. Dans cet entretien, le président du PDCI-RDA accuse des proches du pouvoir d’Abidjan de vouloir l’écarter de la course à la présidentielle en référence au procès intenté par Yapo Valérie. L’ancien Dg du Crédit Suisse qui plaide pour des élections apaisées, a porté, par ailleurs, un regard sur la politique africaine de Donald Trump et les relations internationales. Morceaux choisis.
Seriez-vous surpris si votre candidature était rejetée ?
Non, c’est exactement ce à quoi je m’attends, et mes collègues aussi. Cela donne une apparence de légalité, mais cela n’a aucun fondement. Ce sont des personnes proches du pouvoir qui ont monté cette plainte et nous ont traînés devant les tribunaux, alors que nous savons déjà que la décision est prédéterminée. Mais cela ne ressemblera pas à une vraie procédure judiciaire. Légalité et justice ne sont pas toujours synonymes. Regardez l’esclavage : c’était parfaitement légal. Était-ce juste ? Absolument pas.
Vous avez parlé d’acteurs clés. Et les puissances occidentales ? Quel est leur point de vue ? Y a-t-il un fond de racisme derrière tout cela ?
Beaucoup pensent que la démocratie est un luxe trop grand pour les Africains, que nous ne la méritons pas vraiment, et que les régimes autoritaires sont finalement plus adaptés à notre continent. On entend souvent : « Vous savez, c’est l’Afrique. » Il y a une forme de tolérance que je trouve inacceptable. Je me bats toujours pour que les Africains soient jugés selon les mêmes critères que le reste du monde.
(Thiam s’est prononcé également sur les évènements survenus en d’octobre 2023 à l’occasion du congrès extraordinaire du PDCI et le climat autour des élections en Côte d’Ivoire)
« Ils sont venus nous encercler. Ils ont été très agressifs. Je me suis tenu entre les forces de police et les manifestants. Je leur ai dit : dans la vie, on ne contrôle pas toujours les événements, mais on peut contrôler notre réaction. Nous allons leur montrer que nous sommes un parti de paix. Il n’y aura pas de jets de pierres, pas de violence. (…) Il n’y a jamais eu d’historiques d’élections vraiment libres en Côte d’Ivoire. Aucune. La dernière élection crédible remonte à 1990, cela fait 35 ans. Il faut que l’on apprenne à renoncer aux kalachnikovs, aux machettes, aux gourdins et à se parler. »
Si cela peut arriver en Côte d’Ivoire, que dire du reste du continent ?
« C’est très inquiétant. Et c’est pour cela que je me bats avec autant d’énergie. Si je suis ici devant vous aujourd’hui, c’est parce que je crois qu’on peut construire un autre avenir pour l’Afrique. Certains pays y sont parvenus : le Sénégal l’a fait plusieurs fois, le Ghana aussi. La Côte d’Ivoire peut en faire autant. Et cela peut devenir un socle de stabilité. Voilà pourquoi je milite pour que la raison triomphe, et que cette fois, on ne retombe pas dans la violence. »
Si vous étiez élu président de la Côte d’Ivoire, comment géreriez vous les relations avec l’administration Trump, qui a presque totalement supprimé l’aide à l’Afrique ?
« En fait, j’ai eu l’honneur de dîner avec M. Trump à l’époque, et je connaissais certaines personnes autour de lui. Mais ce que l’Histoire nous enseigne, c’est que la liberté ne s’obtient pas par l’aide d’autrui. Les États-Unis se sont battus pour leur liberté en 1776, les Britanniques ont eu leur Magna Carta en 1789. Dans chaque pays qui vit aujourd’hui en démocratie, ce sont les peuples eux-mêmes qui ont dû se battre pour cela. Personne ne leur a offert. »
Que pensez-vous de la réduction de l’aide étrangère des États-Unis ?
« Cela prouve simplement une chose : dans ce monde, on ne peut compter que sur soi-même. Le monde est dur. On ne peut pas dépendre de la générosité d’autrui ni des contribuables étrangers. »
Source : ITV (Traduis de l’anglais)
NB: Le titre et le chapeau sont de notre rédaction