
Suspension de participation à la CEI :quand le PPA-CI et le PDCI se prennent les pieds dans leur propre contradiction (décryptage)
Lemandatexpress – Le PPA-CI et le PDCI-RDA, farouches pourfendeurs de la Commission électorale indépendante (CEI), ont décidé l’un après l’autre, ce vendredi 11 avril 2025, de suspendre leur participation aux travaux de cette institution. Et pourtant…
« Le PDCI-RDA demande à son représentant de suspendre sa participation aux travaux de la CEI centrale jusqu’à nouvel ordre. Cette instruction ferme étant valable pour tous ses représentants intervenant dans les structures locales de la CEI », indique clairement le communiqué lu, hier, par le porte-parole du parti, l’honorable Soumaïla Bredoumy.
Quelques heures plus tôt, c’est le PPA-CI, dans une note signée de son président Laurent Gbagbo, qui dictait sa loi: « Je demande solennellement à notre représentant au sein de la CEI de suspendre immédiatement toute activité de cette institution jusqu’à nouvel ordre. »
Les mêmes motifs sont avancés par les deux partis politiques phares pour justifier cette décision radicale en plein processus électoral. Le PDCI-RDA et le PPA-CI ont choisi comme angle d’attaque la liste électorale provisoire qu’ils présentent, chacun, comme étant truffée d’irrégularités et donc susceptible de compromettre la crédibilité et la transparence du scrutin présidentiel d’octobre 2025.
Très curieux
Cependant, tout en criant haro sur la CEI, qu’elle décrit comme un bras séculier du gouvernement, l’opposition plaide « l’ouverture d’un dialogue politique sincère entre les principaux partis de l’opposition, la société civile et le pouvoir, pour remettre la Côte d’Ivoire sur le chemin d’élections crédibles, inclusives et apaisées ». Ce qui semble très curieux.
Claquer la porte de l’institution chargée des élections, affubler le gouvernement de tous les noms d’oiseaux, et solliciter par la suite une table de négociations. C’est l’illustration parfaite des opposants qui se prennent pour les maîtres du jeu ; ceux qui donnent le tempo, qui font et défont le nœud du débat public à leur guise. En réalité, leurs revendications, éléments de langage et autres actions d’éclat traduisent la flagrante contradiction d’une opposition politique dont la cohérence peine à convaincre.
Le PDCI ne peut pas donner des instructions à une personnalité…
Ainsi, la décision de suspendre la participation de leurs représentants aux activités de la CEI soulève cette question de fond, relative au statut de ces derniers. L’opposition a longtemps soutenu que les membres de la Commission désignés par les partis ne servent plus les intérêts de ces derniers dès lors qu’ils prêtent serment. À ce titre, Me Blessy Chrysostome martelait récemment que « le PDCI-RDA n’a pas de représentants à la CEI ».
L’homme de droit soutenait son argumentaire par l’idée selon laquelle les formations politiques ont désigné des « personnalités » et non des « représentants » à la CEI : « Quand, aujourd’hui, je dis que je ne veux plus de cette personnalité à la CEI, je ne peux pas la démettre parce qu’elle ne m’appartient pas, parce qu’elle a prêté serment, parce qu’elle a été nommée par décret du Président de la République. Le PDCI n’a pas de représentants à la CEI. Le PDCI-RDA a proposé une personnalité. Le PDCI-RDA ne peut pas donner des instructions à cette personnalité. Donc il est faux, absolument faux, de dire aujourd’hui que les partis politiques sont représentés à la CEI. Ils ne sont pas représentés. »
Et pourtant, le PDCI-RDA (lire plus haut) a demandé à son « représentant » de suspendre sa participation aux travaux de la CEI centrale jusqu’à nouvel ordre. Dans le même sens, et suivant les directives de Laurent Gbagbo, Demba Traoré, le Superviseur des régions du Kabadougou et du Folon, a adressé une correspondance à la CEI pour annoncer sa suspension de toutes ses activités. Non par désengagement, mais par fidélité à l’idée qu’il se fait de la démocratie et de la responsabilité politique, a justifié ce cadre du PPA-CI.
Logiques envers eux-mêmes
Le deuxième cas, et non le moindre, qui illustre la contradiction de l’opposition, c’est cette dénonciation subite d’une présence irrégulière de plus de 6 millions de personnes sur la liste électorale provisoire. D’où vient ce chiffre, sachant que seuls quelque 700 000 nouveaux électeurs ont été enrôlés au cours de l’opération d’octobre-novembre 2024 ? D’évidence, la stratégie semble bien affinée : noircir la CEI, la discréditer au maximum dans une visée purement électoraliste.
Sinon, comme l’a rappelé la ministre Myss Belmonde Dogo, c’est sur la base de cette même liste que ces partis et mouvements politiques ont fait élire leurs représentants aux différentes élections générales et locales. S’ils étaient logiques envers eux-mêmes, ils ne se feraient pas prier pour demander également à leurs pairs, députés et conseillers généraux, de libérer le tapis.
À la vérité, l’opposition joue à se faire peur. Elle semble en manque de repères et d’arguments pour contrer l’hégémonie du RHDP. On la soupçonne même de préparer un boycott de la présidentielle, comme en 2020. Et la non-présence de Laurent Gbagbo sur la liste électorale et l’incertitude qui entoure la candidature de Tidjane Thiam seraient les catalyseurs de cet agenda caché.
M.G