
Éligibilité de Thiam : Son avocat, Me Chichportich, contre l’application de l’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne et pourtant…
Lemandatexpress – L’article 48 du Code de la nationalité ivoirienne place Tidjane Thiam, président du PDCI, au centre d’un débat juridique et politique. Sa double nationalité, ivoirienne et française, suscite des interrogations sur son éligibilité à la présidentielle de 2025, malgré son annonce de renonciation à la nationalité française.
Le 2 février, sur le plateau de NCI 360, Arthur déclarait : « Le président du PDCI, à l’heure où je vous parle, ne peut pas être candidat parce qu’il n’a pas renoncé à sa nationalité française. » Une affirmation qui a rapidement embrasé le débat, comme le rappelle Jeune Afrique dans sa livraison du lundi 03 mars.
Le 7 février, Tidjane Thiam réagit dans une vidéo aux côtés de ses avocats Mathias Chichportich et Chrysostome Blessy. Il y annonce avoir « déposé [sa] demande de libération de la nationalité française », une démarche prévue « de longue date ». Mais pour ses détracteurs, ce geste, intervenu après le début de la controverse, soulève des doutes sur sa sincérité.
Son avocat, Me Mathias Chichportich, cité par JA, précise que « Tidjane Thiam m’a confié le mandat d’engager toutes les démarches nécessaires pour renoncer à sa nationalité française il y a déjà de nombreux mois ». Selon lui, bien que la demande officielle ait été déposée début février à l’ambassade de France à Abidjan, les démarches avaient été initiées bien avant.
Un cas complexe de double nationalité
Tidjane Thiam est né le 29 juillet 1962 à Abidjan, descendant de Félix Houphouët-Boigny, père de l’indépendance ivoirienne. Son père, Amadou Thiam, n’a obtenu la nationalité ivoirienne que le 6 novembre 1962 par décision d’Houphouët-Boigny.
Brillant étudiant, Thiam intègre les classes préparatoires en France en 1980, devient le premier Ivoirien reçu à l’École polytechnique en 1982, et en sort diplômé de l’École des Mines en 1986. En 1987, il obtient la nationalité française, « sans qu’il n’en soit à l’initiative », selon son avocat. Ce parcours, autrefois présenté comme une fierté nationale, pourrait aujourd’hui lui coûter sa candidature.
L’interprétation controversée de l’article 48
L’article 48 du Code de la nationalité stipule qu’un Ivoirien qui acquiert volontairement une nationalité étrangère perd automatiquement sa nationalité ivoirienne. Son application fait débat.
Pour Me Chichportich, « Cet article est inappliqué et inapplicable », ajoutant que l’appliquer à Thiam serait « contraire au principe d’égalité devant la loi et à la Constitution ».
De son côté, Jean Bonin, ancien collaborateur de Thiam au BNETD, nuance : « Si Thiam est né Français, il n’est pas concerné par l’article 48. S’il a acquis la nationalité française en tant que mineur, il n’est pas non plus concerné. En revanche, s’il est né Ivoirien et a acquis la nationalité française à sa majorité, alors il a théoriquement perdu sa nationalité ivoirienne. »
L’entourage de Thiam balaie cette interprétation, dénonçant une manœuvre politique : « Personne ne connaissait l’existence de cet article avant qu’une équipe d’avocats chargée de trouver un moyen d’éliminer Thiam ne le ressorte. »
Un retour de flamme pour le PDCI ?
Un cadre du RHDP contre-attaque : « Ce sont les proches de Thiam qui ont alimenté la confusion en donnant plusieurs versions de la façon dont il a acquis la nationalité française. » Selon lui, le PDCI est pris à son propre piège : « Toutes ces lois sur la nationalité ont été créées lorsque le PDCI était au pouvoir. Elles ont depuis été assouplies. Le PDCI a créé l’ivoirité, et aujourd’hui, ses propres textes se retournent contre lui. »
Il rappelle également que « ces trois dernières années, les caciques du PDCI ont traité des personnalités du RHDP d’étrangers », citant en exemple la récente déclaration de Véronique Aka, présidente du Conseil régional du Moronou, qui, le 27 février, invitait Jean-Louis Billon à « aller se présenter chez les Touaregs ».
Le débat sur la nationalité de Tidjane Thiam dépasse la simple interprétation de la loi. Derrière les arguments juridiques, c’est une bataille politique qui se joue, et dont l’issue pourrait remodeler le paysage électoral en Côte d’Ivoire.
Martial Galé ( Avec Jeune Afrique)