
Présidentielle 2025 : Thiam, le fils prodige du PDCI, très mal embarqué…
Lemandatexpress – Annoncé comme l’enfant prodige capable de ramener le PDCI au pouvoir, 26 ans après sa chute, Tidjane Thiam connaît un cheminement des plus tumultueux au point de susciter des doutes sur son compte. Le processus de renonciation à sa nationalité française l’enfonce un peu plus au coeur de la controverse.
Accueilli avec enthousiasme par les militants du PDCI-RDA lors de son retour au pays, plébiscité au congrès extraordinaire du 22 décembre 2023, devenant ainsi le 3ᵉ président du parti (après Félix Houphouët-Boigny et Henri Konan Bédié), Tidjane Thiam n’a cependant pas tardé à expérimenter les dures réalités du champ politique national. Échaudé d’entrée par la révolte de deux militants, Christophe Blesson et Matthieu Affroumou Ourah, dont l’action en justice a conduit à la suspension du congrès du 16 décembre, il subit désormais de plein fouet la farouche rivalité interne d’un Jean-Louis Billon devenu gênant.
Cela peut sembler anecdotique pour certains « Thiamistes », trop accrochés au curriculum vitae de l’ancien ministre du Plan. Pourtant, au fil du temps, le délégué de Dabakala, à coups de communication et de critiques, désacralise lentement mais sûrement l’enfant prodige du PDCI, petit-fils du père fondateur. En effet, ses vives attaques contre la gestion du parti et les allégations sans ménagement sur sa méconnaissance du terrain sont, entre autres, des éléments qui déconstruisent plus ou moins l’image idéalisée qu’une bonne partie de l’opinion avait de Thiam.
Un coup de semonce
Et comme si cela ne suffisait pas, l’affaire de la double nationalité, longtemps évoquée par la presse et dans certains milieux bien informés, vient visiblement porter un coup de semonce au président du PDCI. Ce vendredi 07 février, en effet, Tidjane Thiam a communiqué sur son processus de renonciation à sa nationalité française. « Je suis candidat à l’élection présidentielle de Côte d’Ivoire en 2025. Nous avons donc effectué ce matin, en compagnie de mes conseils, une démarche importante dans ce processus, inscrite depuis longtemps dans le calendrier de mon programme et de mon action. Elle a consisté à déposer ma demande de libération de la nationalité française, ce qui me permettra d’être exclusivement ivoirien au moment de l’élection, une condition d’éligibilité », a-t-il déclaré au siège du PDCI.
De l’eau au moulin
Il n’en fallait pas plus pour déclencher une vague de réactions qui pourrait, sans nul doute, relancer le débat non seulement sur sa légitimité à la tête du parti, mais également sur son éligibilité à la présidentielle d’octobre prochain. L’article 41 des statuts du PDCI dispose, en son alinéa 1, que pour être candidat à la présidence du parti, il faut être ivoirien. Même si elle ne mentionne pas le caractère exclusif de cette « ivoirité », cette disposition peut toutefois être sujette à débat. Jouissant d’une double nationalité, Tidjane Thiam était-il habilité à prendre les rênes du parti ? pourrait-on s’interroger. Et cela apporterait, par ailleurs, de l’eau au moulin des tenants de la thèse sur son irrégularité en tant que membre du Bureau politique, l’une des conditions de candidature.
Il faut en effet totaliser dix ans d’ancienneté au sein de cet organe pour être candidat. Ce qui ne semblait pas être le cas pour Thiam, comme l’avaient dénoncé certains cadres et militants avant le congrès extraordinaire de décembre 2023.
De la même manière, le processus de sa renonciation à la nationalité française soulève des questions. Ainsi, après la déclaration de Thiam, le journaliste et analyste André Silver Konan a fait la publication suivante : « Écoutez bien les paroles du président du PDCI, Tidjane Thiam. Il parle de « processus » qui lui « permettra » d’être candidat. Questions : ce processus durera combien de temps ? Sera-t-il achevé avant la présidentielle d’octobre 2025 ? ». Aussi, dans une certaine mesure, le laps de temps entre la sortie du Pr Arthur Banga sur cette renonciation et la communication du président laisse penser qu’il a agi sous la pression médiatique, même si Le Nouveau Réveil affirme que le processus a été enclenché depuis l’été dernier.
Une procédure qui peut durer des mois
En tout cas, selon le Code civil français, la renonciation à la nationalité française pour un citoyen français par naturalisation doit être examinée par le ministère chargé des naturalisations en France. Cette procédure peut prendre plusieurs mois. Si la demande est refusée, un recours peut être formé devant le Conseil d’État. En cas d’enregistrement de la déclaration, la personne perd immédiatement les droits attachés à la nationalité française et, par ricochet, la citoyenneté européenne.
Est-ce pour cette dernière implication que Thiam aurait tardé à se décider ? De toute façon, il n’avait pas le choix. C’est une condition sine qua non pour celui qui se présente comme une alternative crédible au président Ouattara à la tête de la Côte d’Ivoire. « Je renouvelle ici mon engagement pour un véritable changement en Côte d’Ivoire afin que les conditions de vie des Ivoiriennes et des Ivoiriens s’améliorent », a-t-il affirmé au sujet de son processus de renonciation. Encore faudrait-il qu’il ait gain de cause dans un bref délai. Car la Convention du Parti est imminente, et la présidentielle approche à grands pas. En clair, cela semble mal embarqué pour le champion du PDCI qui, au-delà de cet épineux dossier, a bien d’autres écueils à surmonter sur le chemin du scrutin présidentiel.
Martial Galé