Assurance-banque : Yacé Léonce explique le plan d’expansion du groupe NSIA à travers l’Afrique
Lemandatexpress – Arrivé chez NSIA en 2012, Léonce Yacé a forgé en grande partie le plan quinquennal Altitude (2022-2026), qui entre dans sa phase d’éclosion. Dans un entretien accordé à Jeune Afrique, le juriste de formation a décliné les grands axes du plan d’expansion du groupe sur le. continent.
JA – L’Africa Financial Summit a célébré début décembre « le temps des puissances financières africaines« . Ces dernières années, ce sont surtout vos concurrents qui se sont illustrés dans les domaines des acquisitions et des expansions bancaires. Considérez-vous NSIA comme en retard ?
Léonce Yacé : Comparativement à d’autres acteurs bancaires africains, on peut estimer que nous sommes en retrait. Nous, nous, considérons que notre démarche est prudente, rationnelle et conforme à notre histoire. À chaque étape, nous nous donnons six à sept ans pour une intégration parfaite. En 1995, Jean Kacou Diagou créé la Nouvelle société interafricaine d’assurance avec déjà l’idée de créer une bancassurance. Mais il débute par son cœur de métier [Diagou a commencé sa carrière chez UAP, aujourd’hui AXA]. En 2006, le groupe entre dans la banque avec le rachat de la BIAO [Banque internationale pour l’Afrique de l’Ouest]. La banque a une identité vieillissante. Cela a pris un certain temps pour renouveler la marque.
Une fois fait, on a créé NSIA Guinée en 2011. Six ans plus tard, on introduit NSIA Côte d’Ivoire à la Bourse et on rachète Diamond Bank. Il a fallu remettre en état les établissements acquis et rationaliser, en rapprochant, par exemple, NSIA Côte d’Ivoire et la succursale ivoirienne de Diamond Bank par un apport partiel d’actifs. Dans l’intervalle, nous avons créé la société de gestion d’OPCVM [Organisme de placement collectif en valeurs mobilières], NSIA Asset Management. Nous estimons maintenant que le temps est venu de reprendre le programme d’expansion du pôle bancaire.
De quelle manière ?
2025 est le dernier exercice dans lequel NSIA Sénégal est inscrite comme succursale. Nous allons d’abord filialiser notre succursale sénégalaise, qui dépend pour le moment de notre filiale béninoise. Le pays est la deuxième économie de la zone Uemoa, nous ne pouvons pas y être implantés durablement sous le statut de succursale si nous voulons y jouer un rôle important et entrer dans le top 5 comme c’est le cas en Côte d’Ivoire (3ᵉ) et au Bénin (4ᵉ). Il faut que NSIA Sénégal possède un niveau de fonds propres suffisant pour lui permettre de saisir toutes les opportunités qu’offre la place bancaire sénégalaise. 2025 est le dernier exercice dans lequel le Sénégal est inscrit comme succursale.
Ensuite, nous entendons utiliser pleinement les agréments uniques pour compléter notre présence dans la zone Uemoa avec la création de succursales. Une fois filialisé, le Sénégal activera son agrément unique pour ouvrir une succursale en Guinée-Bissau. NSIA Côte d’Ivoire portera les ouvertures de succursales au Burkina Faso et au Mali. NSIA Bénin s’occupera de la succursale à venir au Niger et continuera à gérer celle au Togo. Jusqu’à 2027, nous aurons un rythme d’ouverture d’une ou deux succursales bancaire par an.
Envisagez-vous également d’acquérir une banque, notamment une filiale de Société générale encore à vendre ?
Nous discutons de certaines opportunités sur le marché bancaire camerounais de rachat de filiales de groupes bancaires internationaux désirant se retirer d’un pays. Nous nous attendons à un dénouement pour le premier semestre 2025. Si nous ne sommes pas retenus, nous créerons une filiale en 2026. La décision est de s’implanter dans la zone Cemac, où nous sommes présents dans l’assurance, mais pas dans la banque, en commençant par le Cameroun.
Avez-vous cherché de l’aide extérieure pour mener à bien cette politique d’expansion ?
Pendant longtemps, nous nous sommes développés en comptant uniquement sur nos forces. Mais pour un projet de cette nature, nous avons pressenti qu’un gouvernement qui nous verrait arriver serait curieux de savoir ce qu’en pense celui de Côte d’Ivoire, puisque nous sommes d’abord un groupe ivoirien. Nous avons donc soumis notre projet aux autorités pour leur indiquer comment est-ce qu’on entendait œuvrer à l’expansion du pôle banque du groupe. En juin, le conseil présidentiel a décidé de soutenir notre ambition.
Nous avons aussi conclu un accord avec la SFI pour un accompagnement sous forme de dette senior et d’émissions d’obligations convertibles avec, in fine, l’entrée au capital du groupe.
Cela s’est traduit par une correspondance du ministre des Finances de la Côte d’Ivoire adressée à ses homologues des pays cibles pour détailler pourquoi le gouvernement ivoirien recommandait le groupe, pour expliquer qu’il se tenait à nos côtés et veillerait à ce que tous les engagements pris par notre groupe soient respectés. Pour mener à bien ces opérations, nous avons besoin également de bailleurs et de partenaires internationaux. SFI [Société financière internationale, bras financier de la Banque mondiale pour le secteur privé], avec laquelle nous avons une relation de longue date, a rédigé une lettre de soutien. Nous avons aussi conclu un accord pour un accompagnement sous forme de dette senior et d’émissions d’obligations convertibles avec, in fine, l’entrée au capital du groupe [entre 20 et 25 %] alors qu’Amethis Africa Finance vient de partir et que la Banque nationale du Canada est sur le point de le faire. C’est un accord qui a vocation à être activé au fur et à mesure que les cibles se concrétisent. Afreximbank nous a par ailleurs fait des offres très concrètes en matière de financement de banques à acquérir.
L’objectif est-il d’atteindre un équilibre entre les branches assurance et banque en 2027 ?
Notre volonté, c’est de proposer à nos clients une démarche commerciale unifiée. Nous devons pouvoir lui proposer l’ensemble des produits et services, assurance et banque, du groupe dans chaque filiale du pays d’implantation dans lequel il se trouve, et ce, dans le respect des réglementations en vigueur, bien sûr. Nos métiers sont complémentaires. Un contrat d’assurance-vie ou une épargne placée chez l’assureur peut servir d’assiette de garantie pour un crédit accordé par un établissement bancaire. Cela demande d’avoir la bonne démarche commerciale, les bons éléments de langage et les bons protocoles de traçabilité des activités entre nos différentes entités.
Le président fondateur de NSIA, Jean Kacou Diagou, a 78 ans. La réflexion sur la passation de pouvoir a-t-elle commencé au sein du groupe ?
Je comprends pourquoi cette question revient sur la table. Il n’y a pas de crispation autour de cette question. Le président continue de nous faire bénéficier de sa vision, de ses conseils et de son expérience, mais il n’est plus dans la gestion opérationnelle du groupe.
À l’origine, nous sommes un groupe familial. Nous avons opéré une mutation pour passer du statut de groupe familial à celui de groupe financier. Et un groupe financier présent dans les secteurs de l’assurance et de la banque doit inspirer la confiance et ne pas dépendre de personnes. À la demande du régulateur, nous avons d’ailleurs ouvert un chantier de simplification de notre organisation. En 2025, NSIA Participations, dirigée par Bénédicte Janine Kacou Diagou [fille aînée du président Jean Kacou Diagou], sera l’unique holding financier. Il détiendra deux sous-holdings opérationnels. L’un sera le holding des assurances contrôlé par Dominique Diagou, et l’autre sera le holding des banques et que je piloterai.
Source : Jeune Afrique
NB : Le titre et le chapeau sont de la rédaction.