
Fêtes de fin d’année : En provenance de l’intérieur du pays, les consommateurs désorientés à Adjamé (Reportage)
Lemandatexpress – Centre commercial par excellence et pôle d’attraction en période des fêtes, Adjamé (commune d’Abidjan) est plongé depuis des semaines dans l’agitation de décembre. C’est la course effrénée aux articles, tant pour les particuliers que pour les commerçants. Mais, suite à l’action de déguerpissement, qui a transfiguré la commune et les marchés, l’expérience client a changé. C’est presque la croix et la bannière désormais pour les usagers. Lemandatexpress.net y a fait un détour.
C’est toujours le bouillonnement populaire des périodes de fête de fin d’année. Il est précisément 08 heures, ce mercredi 03 décembre 2024, lorsque le mini-car, communément appelé « Gbaka », franchit le sol d’Adjamé. Le périmètre baptisé « en bas du pont-mosquée » est bouché par le flux impressionnant de véhicules. Les usagers venus pour des achats et diverses courses n’ont qu’un seul choix : finir le trajet à pied, dans un vacarme ponctué par les klaxons de véhicules et les cris des petits commerçants ambulants. À ce brouhaha, qui plante le décor des fêtes, s’ajoute l’incivisme des chauffeurs de « woro woro », à l’origine de toutes sortes d’accrochages, complexifiant davantage la circulation.
Après quelques minutes de marche, nous voilà face à face avec des commerçants aux marchandises étalées à même le sol, à hauteur de l’échangeur de l’immeuble Mirador. En cette matinée caniculaire, hommes, femmes portant des bébés ou non, et jeunes se bousculent. Ils sont venus des communes du grand Abidjan pour certains, de l’intérieur du pays pour d’autres. Ici, tout le monde est pressé. Un seul et unique objectif pour ces consommateurs venus s’approvisionner dans un marché qui a fait les frais du déguerpissement dans un passé récent : trouver les marchandises à leur goût et à leur bourse.

Expérience client
Pas de place donc pour les distractions et autres échanges sans lendemain. Décidés à cerner l’expérience client dans un Adjamé post-déguerpissement, nous réussissons, après plusieurs tentatives, à accrocher quelques consommateurs. Venue de Sakassou, Gwladys Kouamé n’en revient pas devant le spectacle ahurissant qu’elle découvre dans ce centre commercial qui lui était pourtant familier.
« C’est très compliqué. Je suis arrivée depuis 6 heures. Vous-même voyez l’heure actuelle. Je n’ai rien acheté encore. Le marché est bizarre. Je ne fais que tourner en rond. Ils ont tout cassé et je ne m’y retrouve pas », fait savoir notre interlocutrice.
Accroupie devant les étalages d’une commerçante, Gwladys, d’un regard hagard, assiste ces transporteurs de marchandises et/ou de colis qui affluent dans le marché. La femme venue de plus de 300 km d’Abidjan a des confidences à nous livrer : « En réalité, tout a changé. Non seulement on ne se retrouve pas dans le marché, mais on ne peut rien acheter cette année. Pour des articles qu’on prenait les années précédentes, les prix ont triplé, voire quadruplé. Est-ce qu’on peut s’en sortir cette année ? », soupire-t-elle. Désespérée, elle se tient debout, avec en main des jouets dont elle négocie le prix avec la vendeuse.
« Tout est melangé devant nous »
D’Adjamé-rail à Adjamé-forum, en passant par « Petit Lomé », Caolin, Black market, Liberté, Renault, le constat reste le même. Le témoignage de dame Gondé, venue de Man, ne fait que corroborer les difficultés de Gwladys. « Si j’avais su, je ne serais pas venue à Adjamé. Ça fait plus de quinze ans que je viens faire des achats quand les fêtes approchent. Mais pour cette année, c’est dur. Les magasins dans lesquels on a l’habitude de prendre des marchandises ont été cassés et, quand c’est comme ça, ça nous fatigue. Tout est mélangé devant nous et les trucs sont chers, » constate-t-elle.

En clair, les commerçants venus de l’intérieur du pays sont désorientés dans le marché d’Adjamé. Cette situation résulte du déguerpissement, qui a pour conséquence l’augmentation abusive des prix des marchandises à certains endroits. Tous les vendeurs dressent également ce constat amer. C’est le cas de Fatou Koné, qui reste sans magasin depuis les casses et se sent obligée de se trouver un endroit, peu importe le site, accrochée au maigre espoir de vendre ses articles. À l’entendre, la situation est difficile depuis le déguerpissement.
Magasins à coûts sociaux
« J’ai perdu tous mes clients, oh ! Mon magasin était vers le forum et, habituellement, je vendais bien à cette période. Depuis qu’ils ont tout cassé, je n’ai plus de place. Tu vois même le forum depuis Adjamé-rail. Les clients pleurent. Ils disent que les marchandises sont chères. Les clients négocient trop le prix, il n’y a pas de marché, » prétend-t-elle.
Poursuivant, cette jeune dame débordante d’énergie a plaidé auprès des autorités pour la construction de magasins à coûts sociaux, afin de permettre à ces personnes de classe moyenne de retrouver leurs habitudes de consommation.
Au total, d’hier à aujourd’hui, Adjamé affiche un nouveau visage, plus radieux certes. Toutefois, les commerçants et les consommateurs, notamment ceux en provenance de l’intérieur du pays, sont totalement désorientés. De plus, ils font également face à la flambée des prix de certains articles. Il est clair cependant que ce dernier aspect n’est pas essentiellement lié au déguerpissement de certaines parties du marché. Il se pose en réalité la question de l’offre et de la demande en cette période de fête, dans une économie libérale de surcroît.
Pacôme N’Goran