Côte d’Ivoire: Amnesty International dénonce les expulsions forcées, des témoignages poignants de personnes affectées
Lemandatexpress – Dans un récent rapport, Amnesty Côte d’Ivoire a dénoncé les démolitions forcées qui ont détruit les exploitations agricoles de 133 fermiers à Gesco, dans la commune de Yopougon, le 21 février 2024. Selon l’organisation, ces démolitions, menées sans préavis suffisant ni mesures compensatoires, violent les normes internationales relatives aux droits humains. Ce drame met en lumière les tensions entre urbanisation et respect des droits fondamentaux en Côte d’Ivoire.
Des moyens de subsistance anéantis
Selon le rapport, les fermiers de Gesco exploitaient, depuis 2011, un terrain de quatre hectares octroyé par une société d’État pour développer une zone agro-pastorale. Cet espace contribuait à la sécurité alimentaire locale et soutenait plusieurs dizaines de familles. Mais en février 2024, des bulldozers ont rasé leurs installations – enclos, porcheries, piscines de pisciculture et poulaillers – sans laisser le temps aux occupants de se préparer.
Amnesty Côte d’Ivoire souligne que les pertes, évaluées à environ 650 millions de FCFA (près d’un million d’euros), n’ont pas été compensées à ce jour. Cette situation précarise davantage les fermiers, déjà marginalisés économiquement.
Témoignages de victimes
Les récits des fermiers témoignent de l’ampleur des dégâts humains et financiers.
A en croire, Mme K. D., 38 ans, « J’ai emprunté 10 millions de FCFA pour lancer mon élevage. Tout a été détruit sans que je puisse récupérer mes animaux. Aujourd’hui, je fais du commerce de rue pour rembourser mon emprunt, mais les taux d’intérêt augmentent. Je suis à bout, sans aucune aide. »
Pour sa part, Mme B. S., veuve de 65 ans, explique vivre dans des conditions déplorables depuis la démolition de sa ferme . « Je me débrouille en vendant des escargots au marché, mais cela ne suffit pas. Nous n’avons pas d’eau ni de latrines là où je vis maintenant. Les autorités nous ont abandonnés. », a-t-elle fait savoir.
De son côté, M. B. Z., président de l’association des fermiers, a dû quitter Abidjan après avoir perdu son logement. « Les bulldozers sont arrivés sans préavis, rasant tout en quelques heures. Nous avons demandé un délai pour sauver nos biens, mais nos appels sont restés sans réponse. Depuis, je vis dans la campagne, sans ressources stables. », a-t-il déclaré.
Une violation des droits humains, selon Amnesty Côte d’Ivoire
Pour Amnesty Côte d’Ivoire, ces démolitions forcées constituent une atteinte grave aux droits humains, en particulier au droit au logement et à un niveau de vie décent. L’organisation critique l’absence de consultation préalable des occupants et le manque de solutions de relogement ou de compensation financière.
Les normes internationales, notamment les Directives des Nations unies sur les expulsions forcées, exigent que des alternatives soient proposées et que les personnes concernées soient consultées. Or, selon Amnesty, ces principes n’ont pas été respectés dans le cas de Gesco.
Des promesses gouvernementales jugées insuffisantes
Sous pression, les autorités ivoiriennes ont annoncé en novembre 2024 une suspension des expulsions à Abidjan et la mise en place de mesures de relogement et de soutien économique. Cependant, Amnesty Côte d’Ivoire déplore le retard dans l’exécution de ces engagements et appelle à des actions concrètes pour réparer les torts subis par les fermiers.
Un appel à la justice
Amnesty Côte d’Ivoire exhorte les autorités à indemniser les victimes des démolitions de Gesco et à respecter leurs engagements en matière de droits humains. La crise de Gesco illustre la nécessité d’une planification urbaine inclusive, respectueuse des droits des populations vulnérables.
Pour ces fermiers, la reconnaissance de leurs droits et une indemnisation juste représentent un premier pas vers la réhabilitation de leur dignité et de leur avenir.
Avec Amnesty Côte d’Ivoire, rapport et témoignages recueillis en juin et novembre 2024.