Entretien/ Me Golé Marcelin (maire PDCI de N’douci) : « Il ne faut pas être traumatisé par l’élection présidentielle, il faut la paix pour que… »
Lemandatexpress – En marge des festivités de la journée nationale de la paix, Me Oboumou Golé Marcelin, maire de N’douci, s’est confié à lemandatexpress.net. Dans cet entretien, l’élu PDCI parle de l’importance de la paix, de la salubrité à l’intérieur de sa commune, de la présidentielle 2025, sans oublier la vie du parti septuagénaire.
A votre initiative, N’douci a célébré avec faste la journée nationale de la paix (ndlr ; 15 novembre). Dites-nous, Monsieur le maire, sous quel signe avez-vous placé cette célébration ?
C’est sous le signe de la continuité et de la volonté de vivre toujours ensemble. On a toujours célébré cette journée de la paix. Pour nous, à N’douci, la paix, plus qu’un mot, c’est une denrée rare parce qu’on a connu des moments difficiles. Dès l’entame de mon mandat, il y a eu des troubles entre les factions de bandits qu’on a vite fait d’attribuer au conflit intercommunautaire, alors qu’il n’en est rien. Donc, on a pris la mesure des choses et on a toujours célébré cette journée. Mais cette année, on a voulu le faire d’une façon plus faste, avec l’implication de toutes les communautés, à travers d’abord un match de football féminin entre différentes communautés pour dire qu’ici, on vit en paix et en harmonie. Certes dans une famille, il peut y avoir des petites querelles, mais on ne peut pas attribuer cela forcément à des conflits intercommunautaires.
Concernant le tournoi de maracana, vous avez impliqué principalement les femmes ? Pourquoi ce choix ? N’est-ce pas parce que, comme on dit, « ce que femme veut, Dieu veut », ou bien il y avait une symbolique derrière cette option ?
Oui, en dehors de ce dicton, de cette citation, il y a une symbolique. Vous savez, tout ce que nous faisons relève de la femme. Nous sommes nés des femmes, et la femme est la meilleure conseillère. Le football aussi, c’est un des vecteurs de rassemblement. Aujourd’hui, tout le monde s’intéresse au football, les femmes aussi s’intéressent au football. On a vu l’engouement que cela a suscité au niveau des femmes, à la faveur de la CAN 2023. Donc, j’ai voulu aussi les associer. Nous avons connu des tournois de football pendant les vacances. A partir de là, je me suis dit qu’il faut aussi intéresser les femmes. A travers le symbole du football, c’est de pourvoir s’égayer. Et aussi dire qu’effectivement, ce que femme veut, Dieu veut. Si elles veulent que la paix soit toujours à N’douci, la paix sera toujours à N’douci. Et je suis persuadé que la paix sera toujours à N’douci. Parce que hier (le vendredi 15 novembre), j’ai apprécié ce qui s’est passé. Beaucoup de ces femmes jouaient au ballon pour la première fois. Elles ont apprécié cette implication, cette initiative. Et elles s’engagent, avec la même énergie, à poursuivre cela. Et ça me réjouit. Nous allons continuer. On a célébré de façon symbolique. Et nous allons continuer à célébrer la paix à travers d’autres tournois que nous allons organiser.
Pour rester dans le ton de l’implication des différentes couches de la société, on constate que vous entretenez une étroite collaboration avec les chefs de communautés, les guides religieux etc. C’est important pour vous d’agir dans ce sens-là ?
Évidemment, je pense que ça s’impose. Parce que ce sont les différentes composantes de la société, ce sont les leaders. Pour que les messages puissent atteindre les cibles, même les plus reculées, il faudrait qu’on puisse passer par ces personnes-là. Aussi, on ne peut pas gérer une communauté sans passer par ces responsables de communauté. Ce serait faire fausse route. On a toujours œuvré ainsi. Donc, c’est dans cette droite ligne que nous avons fait les choses. Et on a partagé les repas ensemble. C’est comme si on partageait avec toute la communauté. Il y avait les chefs de communauté Malinkés, CEDEAO, Gouro, Ouan, Yacouba, Baoulé pour ne citer que ceux-là. Je pense que c’est la symbiose. C’est pour répondre aussi à la nouvelle appellation de N’douci, à savoir : « N’douci la concorde ». Parce que l’entente est retrouvée. Et je pense qu’elle le sera à jamais.
Est-ce qu’en termes de contribution à la consolidation de la paix, ces leaders et chefs de communautés jouent une réelle partition ? Parce qu’on vous a vu, lors de la cérémonie d’hier, leur décerner des cartons d’ambassadeurs de paix…
Justement, cela explique d’ailleurs ces distinctions. Vous avez pu vous rendre compte, en tant que participant, de leur présence massive, depuis le matin jusqu’au soir. Cela témoigne du fait qu’ils m’accompagnent. Je suis content de leur implication, de leur accompagnement. Hier, c’était une preuve palpable. C’est pourquoi j’ai tenu à leur décerner les cartons en ce jour spécial.
Monsieur le maire, vous disiez hier que vous avez été élu pour une mission de paix, en priorité. Mais à l’approche d’une échéance cruciale, à savoir l’élection présidentielle de 2025, est-ce qu’on ne peut pas interpréter votre engagement comme une manière d’anticiper des tensions éventuelles entre les filles et filles de N’douci ?
Je ne dirais pas que c’est pour cela. Moi, je n’ai aucune crainte concernant le déroulement des élections. Je pense que les choses vont bien se dérouler. Nous restons, dans la continuité. Ces élections vont passer, mais la vie continue. Donc, il ne faut ne pas être focalisé, ne pas être traumatisé par ces élections. Nous restons toujours dans le cadre logique des choses. Il faut la paix pour que N’douci puisse se construire. Nous avons réclamé à cor et à cri cette commune. Si on ne fait pas la paix, on ne peut pas développer. Aujourd’hui, nous avons l’arrivée de plusieurs structures. Nous avons annoncé la création de trois stations. Ce sont les signes palpables de développement et de ce que N’douci une destination privée désormais. Il y a d’autres structures qui sont en construction. Donc, pour nous, c’est la continuité, c’est la nécessité, l’importance de la paix qui nous fait courir. Ce n’est pas les élections que ne nous redoutons en 2025. Mais si nous actions peuvent concourir à prévenir les troubles, c’est tant mieux.
À quel niveau évaluez-vous aujourd’hui la mise en œuvre de cette vision de N’douci ville concorde ?
Revenant sur les affrontements de 2022, je relève encore que ce sont des affrontements qui viennent des bandits. Dans tous les cas, il y a eu des affrontements. C’est ce qui a perturbé l’ordre public. Depuis lors, jusqu’à ce jour, tout s’est bien passé. Avec le passage du général Apalo, que je remercie au passage, tous les chefs du comité, les chefs de village, toutes les autorités ont mises en mission pour, on l’espère, pacifier la ville. Et aujourd’hui, comme baromètre, nous avons ensemble organisé des matchs de football. Vous savez que ce genre de sport draine du monde, déchaîne la passion. Il y a eu le match de football, le tournoi organisé à la mémoire de notre frère Diaby le Gourou, par Gaoussou Koko et son équipe, sur plus de deux semaines, impliquant toutes les couches sociales, impliquant tous les villages, toutes les communautés. Il n’y a eu aucun incident. J’ai organisé aussi un tournoi pour mettre en union tous les chefs du service et tous les travailleurs, pour que personne ne soit en reste. Ce sont les éléments qui témoignent que vraiment tout s’est bien et que N’douci porte bien le nom de la Concorde. Hier, vous l’avez constaté aussi, les populations sont restées sous le soleil à jouer, après on s’est retrouvé à la salle des mariages de la mairie pour la cérémonie officielle. La salle était pleine. Ça veut dire que nous sommes dans la droite ligne et que la concorde est retrouvée.
Monsieur le maire, dans une récente interview, on évoquait la question de la salubrité à N’douci. Vous avez pris le problème à bras le corps. On vous a même vu aujourd’hui faire la chasse aux camions qui stationnent de manière anarchique sur des espaces publics. Cela dit, est-ce qu’il y a une sensibilisation derrière pour amener la population à vous suivre dans cet élan-là ?
Évidemment, la sensibilisation est faite. A chaque rencontre, nous envoyons les gens vers les communautés pour les sensibiliser, leur demander de garder les saletés afin qu’on puisse aller les chercher. Nous allons continuer la sensibilisation. Mais vous savez, tout le monde n’est pas réceptif à ce qu’on dit. Et puis, il y a des gens qui font ça de façon délibérée. Ils salissent l’image du maire, parce qu’ils ont des relents politiques en dessous. Comme je l’ai déjà dit, nous avons pris les choses au sérieux depuis longtemps. Avec le peu de moyens, nous nous battons pour garder la ville propre. Chaque matin, je veille à ce qu’on enlève les ordures. Évidemment, il y a des poches qui sont là. Nous devons faire en sorte qu’après la pluie, on puisse enlever ces dépôts sauvages. Cela dit, nous avons posé la question, la dernière fois, à notre séminaire (séminaire des collectivités territoriales). Ce n’est pas de notre compétence ; l’État a centralisé la gestion à travers l’ANAGED. Et nous, nous sommes au quotidien avec la population, à travailler dans ce sens-là. Est-ce que c’est une gestion de faute ou une faute de gestion ? Faut-il laisser les ordures ? La question reste toujours suspendue ? Aujourd’hui, vous pouvez constater que l’effort est fait. Nous sommes conscients qu’il y a beaucoup d’ordures dans la ville, et ce n’est pas notre fait mais on se bat avec nos moyens. Vous savez, faire cette centralisation, et laisser les choses comme ça, je pense que ce n’est pas de la bonne gouvernance. Il faut que l’État nous concède la gestion avec les moyens. Au temps de Gbagbo, ils l’ont fait à travers une structure défunte (ANASUR) ; ça n’a pas prospéré. Ils sont revenus à la charge avec l’ANAGED, ça fait plus de dix ans, ça n’a pas prospéré. Il faut changer les choses.
Un mot sur le PDCI, votre parti. M. Jean-Louis Bion, on le voyait venir, a déclaré sa candidature de façon officielle. On parle de plus en plus également de la convention pour le choix du candidat à la présidentielle. Au regard de ces agitations, de ce vent d’hostilité qui gagne le parti, n’avez-vous pas peur que le PDCI se fragilise en vue de la présidentielle ?
Comme je l’avais indiqué la dernière fois, moi, je n’ai aucune crainte. Vous savez, dans une famille, il y a toujours des palabres. Ce sont des tempêtes dans un verre d’eau. Nous avons beaucoup d’intelligence au PDCI, beaucoup de sagesse, qui sauront au moment opportun aplanir tout cela. Je suis un exemple type. Je suis à N’douci ; maire PDCI, on n’a pas les moyens mais j’ai lutté avec toute la résilience pour qu’on soit réélu. Pour le moment, je ne veux pas faire de commentaires sur la candidature de Billon, ou la candidature de tel. Je pense bien que la convention nous en dira davantage. Mais je préfère que ça soit ouvert parce qu’il y en a qui ruminent, qui sont dans l’ombre et après ils vous plantent le couteau dans le dos.
Vous êtes donc pour une ouverture ?
Evidemment. Un parti démocratique est pour l’ouverture. Personne ne peut aller contre l’ouverture, ce n’est pas possible. On ne peut pas être un parti démocratique, et ne pas accepter l’ouverture. Autrement, ça serait la monocratie, si je peux m’exprimer ainsi ; ou la dictature, c’est-à-dire la parole d’un seul individu. Le parti est ouvert aux textes. C’est ce qui va s’appliquer. Chacun est libre de se présenter.
Pr Maurice Guikahué, après un long moment de silence, a refait surface au PDCI dans une posture d’apaisement. Avez-vous été surpris par ce changement de cap de la part de l’ancien Secrétaire exécutif en chef ?
Non, il n’est allé nulle part. On ne peut pas toujours parler. Ou bien c’est sa prise de parole que vous qualifiez de retour ? Non, je pense qu’il n’y a pas de commentaire à faire à ce niveau. Il y a beaucoup de cadres qui sont dans le calme, qui observent, mais qui sont toujours dans le parti. S’il était sorti du PDCI et qu’il revenait, je pouvais en dire davantage. Vous savez, le silence, c’est la parole des sages. Donc c’est ce qu’il a observé. Il n’a pas pris de position, mais il a parlé. Voilà, c’est normal, comme tout le monde.