Pascal Affi N’Guessan et le FPI: La Rupture avec le RHDP en Vue de 2025
L’élection présidentielle de 2025 en ligne de mire, le président du Front populaire ivoirien (FPI) multiplie les critiques à l’égard du pouvoir, avec qui il avait pourtant signé un accord de partenariat en mai 2023.
Un échange de courriers, qui aurait dû rester confidentiel, a fuité dans la presse, révélant des tensions croissantes entre deux partis qui s’étaient rapprochés avant les élections locales de septembre 2023 : le Front populaire ivoirien (FPI) et le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
Incompréhensible et incongru
Le 22 juin dernier, Nasseneba Touré Diané, ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, invite les femmes du FPI à une cérémonie d’hommage à Alassane Ouattara. Depuis plusieurs semaines, les cadres du parti au pouvoir multiplient ce type de rencontres où le président est généralement sollicité pour se représenter. Mais à la surprise générale, le chef du FPI refuse.
« Le FPI, parti social-démocrate, profondément attaché à la souveraineté du peuple, à la démocratie et à la modernité de la vie politique, n’adhère pas à ce genre de pratiques politiques qui, pour nous, relèvent du culte de la personnalité », répond Pascal Affi N’Guessan par écrit.
Il ajoute que son parti présentant un candidat à la magistrature suprême, appeler le chef de l’État sortant à briguer un quatrième mandat lui paraît incompréhensible et incongru.Le parti présidentiel a d’autant moins apprécié ce refus que les femmes du FPI ont bien participé aux réunions préparatoires à cette cérémonie avant que Pascal Affi N’Guessan décide d’y mettre un terme.
« Assimiler la reconnaissance marquée à une personne qui se soucie constamment du bien-être de ses populations à un culte de la personnalité, c’est fouler aux pieds les valeurs élémentaires que nous enseigne la tradition africaine notamment la loyauté, le respect, la cohésion et l’esprit de fraternité », rétorque Nasseneba Touré Diané.
Depuis plusieurs semaines, les sorties du président du FPI, ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo, ne passent pas inaperçues. À l’issue du discours d’Alassane Ouattara sur l’état de la nation, prononcé devant le Parlement réuni en congrès le 18 juin, Pascal Affi N’Guessan avait déjà réagi sévèrement.
« Le président a tout dit sauf ce que les Ivoiriens attendent : les perspectives électorales de 2025, la réconciliation nationale, la cherté de la vie, la situation des agriculteurs, etc. Tout ça pour ça, pourrait-on dire », avait-il commenté.
Plusieurs adversaires de la majorité présidentielle ont également exprimé leur déception. Mais ces déclarations irritent particulièrement le RHDP car l’opposant avait, depuis plusieurs mois, opté pour la pondération, au risque d’être accusé de trop concilier avec le pouvoir.
En mai 2023, les deux partis avaient même conclu un partenariat pour la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie. Bien que cet accord ne fût pas électoral, les deux formations étaient parvenues à une entente lors des élections locales quelques mois plus tard, avec des candidats FPI figurant sur des listes RHDP.
Affi N’Guessan ne peut pas se sauver comme ça
Pascal Affi N’Guessan veut-il changer de stratégie à l’approche de la prochaine élection présidentielle ? Tente-t-il de prendre ses distances avec le pouvoir pour se donner une chance dans les urnes ? Les deux camps assurent que l’accord officiel n’est pas rompu. Mais en réalité, il est difficile de prétendre que tout va bien.
« Nous avions prévu, comme Affi N’Guessan l’avait lui-même suggéré, de faire le bilan après un an de partenariat. On y travaillait, mais on entend les propos qu’il tient ces derniers temps… C’est très surprenant », confie un cadre du RHDP.
« Quand on est alliés, il faut savoir se parler et, si on le souhaite, savoir se quitter. Affi N’Guessan a le droit de se préparer pour la prochaine présidentielle, mais il ne peut pas se sauver comme ça. Jusqu’à preuve du contraire, nous sommes encore unis au sein d’un partenariat. »
Pour le FPI, s’allier avec le RHDP a semé la confusion au sein de ses rangs. En 2020, Affi N’Guessan faisait partie des leaders de la désobéissance civile et de l’opposition au troisième mandat. Son fief, le Moronou, a activement participé au mouvement de contestation, coûtant la vie à plusieurs personnes. Lui-même a été accusé de complot contre l’autorité de l’État, de mouvement insurrectionnel et d’assassinat après la présidentielle de cette année-là, et a passé plusieurs semaines en détention.
« Les gens ont été surpris que, si peu de temps après sa sortie de prison, il décide de s’allier avec le pouvoir », résume un observateur de la scène politique. Cette incompréhension explique en partie sa défaite lors des derniers scrutins régionaux.
Le RHDP n’a pas joué franc-jeu
Affi N’Guessan est conscient de ces critiques, mais il se sent trahi par le pouvoir. « J’ai commis l’erreur d’accepter une liste commune avec le RHDP », a-t-il affirmé lors d’une interview sur la chaîne de télévision privée NCI. Il a accusé la majorité d’avoir « pollué la campagne » et mené des actions à son insu pour qu’il perde. À l’en croire, « le RHDP n’a pas joué franc-jeu ». Les cadres du parti au pouvoir rejettent ces arguments.
« Notre candidat s’est retiré et nous lui avons demandé de se mettre à la disposition d’Affi. Il était sur sa liste et a contribué au financement de sa campagne à hauteur de 100 millions de F CFA. Il ne peut pas dire qu’on ne l’a pas soutenu », insiste l’un d’eux sous couvert d’anonymat.Le président du FPI ne regrette rien. « J’ai toujours été un homme de rapprochement », affirme-t-il.
« Ceux qui me connaissent savent que j’ai toujours prôné le dialogue. C’était l’une des principales lignes de fracture avec les GOR [« Gbagbo ou rien »], restés fidèles à l’ancien président », explique un de ses proches. Il reconnaît néanmoins que cette alliance avec le RHDP n’a pas donné les résultats escomptés.
« Nous ne pouvons pas regretter de chercher la réconciliation. Juste noter que les progrès sont lents », résume-t-il, tout en insistant sur la nécessité de prendre des mesures pour une présidentielle apaisée.
Avec JA