Côte d’Ivoire – Blé, Soro, KKB: à qui le bon rôle pour la présidentielle 2025 ?
Lemandatexpress – En Côte d’Ivoire, la présidentielle 2025 approche avec ses certitudes et incertitudes.Ainsi, le sort de Blé Goudé, Soro Guillaume et KKB – qui comptent parmi les figures marquantes de la scène politique nationale-, questionne.
À cet autre tournant démocratique du pays, ils auraient pu être, chacun, de précieux soutiens aux présidents des trois partis dominants de la scène politique nationale. Blé Goudé pour Laurent Gbagbo (PPA-CI), Soro Guillaume pour Alassane Ouattara (RHDP) et Kouadio Konan Bertin dit KKB pour Tidjane Thiam (PDCI-RDA). Mais le vent a tourné depuis, et les réalités des 15 premières années du 21e siècle sont loin d’être celles d’aujourd’hui.
La jeune garde d’hier, au prix d’une volonté d'”émancipation” hâtive, est au coeur de la controverse là où elle aurait été, naturellement, un pion essentiel de l’une ou l’autre des trois grandes formations politiques. À 18 mois de la présidentielle ivoirienne, alors que les attentions sont polarisées par une éventuelle bataille à trois (Ouattara, Gbagbo, Thiam), se joue, en parallèle, le drame de Blé Goudé Charles, Soro Guillaume et KKB. Au point où l’on est amené à s’interroger sur leur rôle ou partition au cours de ce processus électoral à venir.
Écueils ambiants
Dans la configuration actuelle des choses, lequel de ces jeunes loups aura-t-il le bon rôle ? Sur quel tableau doivent-ils ou peuvent-ils jouer ? De prime abord, la perspective d’une auto-dertermination se présente comme une issue plausible. Blé Goudé, comme il n’a de cesse de le clamer jusqu’ici, défendrait les couleurs du Congrès panafricain pour la justice et l’egalité des peuples (Cojep). Soro Guillaume, celles de Générations et peuples solidaires (Gps). KKB, pour la 3e fois, irait en indépendant. En tout cas, les deux premiers ne font guère de mystère sur leur projet de gouverner la Côte d’Ivoire. Dans ses récentes déclarations, Blé soutient que la bataille de 2025 ne se fera pas sans lui. Soro, lui, se présente sur son profil X (ancien tweetter) comme étant candidat à la présidentielle 2025. L’affirmation de KKB est attendue.
Cependant, à moins de vouloir coûte que coûte tenter un coup de poker, ces ambitions pourraient résister difficilement aux écueils ambiants, aux réalités du terrain. Pour Blé Goudé et Soro Guillaume, il faudrait déjà s’affranchir des liens de la justice ivoirienne. Les deux anciens secrétaires généraux de la FESCI sont sous le coup d’une condamnation pénale. L’un, à 20 ans de prison, pour “actes de torture, homicides volontaires et viol”; l’autre, à perpétuité, pour “atteinte à la sûreté de l’État”. Quant à KKB, qui s’est découvert une popularité exangue après deux tentatives (infructueuses), en 2015 et 2020, il réfléchirait par trois fois avant de se lancer à nouveau. Autrement dit, ce serait une véritable gageure pour ces trois mousquetaires que de rêver de la succession d’Alassane Ouattara, au sommet de la Côte d’Ivoire.
Revirement de situation
Ce serait, pourtant, une erreur de les réduire à de simples figurants dans cette joute, qui devrait ou non consolider la marche démocratique de la Côte d’Ivoire. D’une manière où d’une autre, l’ancien leader des jeunes patriotes, l’ex-président de l’Assemblée nationale et le récent ministre de la Réconciliation nationale seront au coeur du jeu. Mais de quel côté et à quel niveau de responsabilité ? Telle est la question qui se pose au moment où le retour au pays de Soro Guillaume est plus que jamais d’actualité.
En évoquant dans un tweet, hier mardi 23 avril, des “préalables” soulevés par certaines cadres du RHDP pour ce come-back, l’ancien séminariste, 51 ans, a donné un indice sur ses accointances avec le pouvoir en place. Il semble que l’avenir de “Tiénigbanano” se profile davantage du côté de la majorité qu’ailleurs. Reste à savoir si dans le jeu des intérêts, il retrouvera toute son envergure auprès d’Alassane Ouattara. Car si la capacité de mobilisation de Soro sera un atout indéniable dans le septentrion ivoirien, rien n’est moins sûr concernant son positionnement dans les instances du RHDP. C’est à juste titre qu’il conditionne son retour à la décrispation (sic).
En rupture de ban avec son mentor – Laurent Gbagbo – Blé Goudé(52 ans), lui, pourrait a priori trouver son salut dans une plate-forme de l’opposition. La politique étant la saine appréciation des réalités du moment, les dissensions entre “le génie de Kpo” et le Woody de Mama s’effaceraient alors au profit d’une ambition commune: déloger le RHDP du pouvoir. Encore faudrait-il que le socle de cette plate-forme, que constitue l’alliance PDCI-RDA – PPA-CI, prospère. Ce qui est loin d’être le cas pour le moment. De toutes les façons, il s’agirait d’un revirement de situation comme on en voit couramment dans le jeu démocratique.
Très discret depuis son départ du gouvernement (en octobre 2023), KKB (55 ans) a une situation plus embassante que celles de ses deux compères. Indésirable au PDCI-RDA, l’ancien président de la jeunesse du parti doyen tarde à virer officiellement au RHDP, alors qu’il chante ouvertement les mérites du chef de l’État. Certains observateurs pensent qu’il aurait dû ou pu le faire plus tôt lors de son passage au gouvernement. Mais rien n’est tard. En temps opportun, KKB se determinera. On ne l’imagine pas se mettre en marge du processus électoral.
Le temps des calculs
C’est le temps des calculs. Peser le pour et le contre pour opérer le choix de la raison, le choix payant. Car aucune option ne sera sans conséquence. Les enjeux sont colossaux. Blé Goudé, Soro Guillaume et KKB jouent leur avenir politique au gré de ce nouveau processus. À ce jeu, le salut ne résidera pas tant dans le jusqu’au-boutisme, plutôt dans une approche pondérée qui priveligie et l’intérêt national et tienne compte des forces en présence. Parce qu’à l’heure du bilan, l’histoire ne retiendra que celui qui aura eu le bon rôle.
Martial Galé