Présidentielle en Côte d’Ivoire/ Ouattara-Thiam, l’inévitable alliance de raison?
Lemandatexpress – Exit Laurent Gbagbo dont l’éligibilité est mise entre parenthèse, ils polarisent à eux deux le débat autour de la présidentielle à venir. Alassane Ouattara et Tidjane Thiam, opposés en apparence, pourraient bien faire équipe ensemble pour un nouveau contrat social.
Depuis la visite du président du PDCI-RDA au chef de l’Etat, le 11 mars 2024, et les éléments de langage qui l’ont émaillé, la perspective d’une alliance entre les deux leaders pour l’échéance électorale de 2025 n’a jamais paru aussi plausible.
Le président de la République et son jeune frère, récemment porté à la tête du parti doyen, ont affirmé à la face du monde, leur convergence sur un plan idéologique et cet engagement commun à œuvrer au développement de la Côte d’Ivoire. Sur le coup, il y a eu comme un choix tranché pour Tidjane Thiam au détriment de Laurent Gbagbo, le Socialiste qu’il avait été voir quelques jours auparavant mais avec lequel il devrait poursuivre des échanges pour lever, éventuellement, des obstacles sur le chemin de leur alliance (?).
Deux semaines après la rencontre entre Ouattara et Thiam, Jeune Afrique, sous la plume de Marwan Ben Yamed, évoque un rapprochement entre les deux personnalités sur fond de compétition, dans un premier temps. Pour le journal panafricain, le nouveau chapitre qui s’ouvre sur l’échiquier politique ivoirien referme un long cycle personnifié par le triumvirat Ouattara-Bédié-Gbagbo, et fait poindre « un face-à-face entre deux acteurs principaux : le RHDP d’Alassane Ouattara et l’ancien parti unique, revigoré par l’arrivée à sa tête de l’ex-banquier ivoirien ». Un jeu démocratique sans Laurent Gbagbo qui n’est plus que « l’ombre de l’animal politique qu’il fut », selon JA.
Même si les récentes élections locales (municipales et régionales) ont établi le rapport de force entre les deux camps, notamment un recul du PDCI-RDA (4 régions contre 6 en 2018) et une expansion fulgurante du RHDP (26 régions contre 18 en 2018), Jeune Afrique voit en « Tidjane Thiam, un adversaire de taille » pour le président sortant. Il apparaît, à ses yeux, comme « celui qui coche le plus de cases pour diriger efficacement le pays et incarner une forme de changement : il est de la génération suivante (ADO a 82 ans, Gbagbo, 79), son parcours académique est brillant (diplômé de l’École polytechnique et de l’École des mines de Paris, mais aussi de l’Insead), son cursus professionnel également (directeur du BNETD, ministre du Plan et du Développement, patron de Prudential, puis de Credit Suisse…), c’est un descendant d’Houphouët (il est son petit-neveu), mais il est musulman – ce qui pourrait lui permettre de capter une partie de cet électorat, notamment dans la capitale économique ou dans le Nord –, il incarne une forme d’alternance puisqu’il appartient au PDCI, et son réseau international est immense ». Et ce malgré les ambitions présidentielles de Jean-Louis Billon, et le flou entretenu par Thierry Tanoh, très proche de HKB, qui a « simplement disparu de l’organigramme » du parti.
On assisterait, alors, à une bataille fratricide entre deux camps qui se réclament de l’Houphouëtisme, pour la conquête du pouvoir d’Etat. Le premier depuis le premier tour de la présidentielle de 2010. En effet, en 2015, au nom de l’appel de Daoukro, le PDCI s’était abstenu de candidater au profit du président Ouattara. En 2020, la plus vieille formation politique suivait le mouvement de désobéissance civile enclenché par l’opposition en contestation du premier mandat d’Alassane Ouattara sous la 3e République pour boycotter la présidentielle. Le retour de Thiam semble donc tout remettre à plat. Le retour dans la compétition, certes. Mieux, pourquoi pas, peut-être un retour à la case départ, c’est-à-dire une recomposition de la grande famille RDHP aux fins de former un nouveau bloc pour gouverner.
En effet, pour Jeune Afrique, Alassane Ouattara, à défaut de se présenter ou de positionner l’un de ses lieutenants que sont le Vice-président Tiémoko Meyliet, le PAN Adama Bictogo, le ministre d’Etat Téné Birahima, le Premier ministre Beugré Mambé ou bien d’autres comme Cissé Bacongo, pourrait prendre l’option de transmettre le témoin à…Tidjane Thiam. « Beaucoup y pensent mais peu osent encore le suggérer. On l’a dit, ce dernier coche de nombreuses cases – houphouëtiste et musulman, plus jeune, symbole d’une alternance, reconnu -, et personne ne doute de ses aptitudes intellectuelles à être président », écrit le journal.
Mieux, il ajoute que « les atomes crochus entre le RHDP et le PDCI sont une évidence, il suffit d’énumérer le nombre de transfuges de ce dernier au sein de la formation présidentielle pour s’en convaincre : Patrick Achi, Robert Beugré Mambé, Kobénan Kouassi Adjoumani, Jeannot Ahoussou Kouadio, Alain Richard Donwahi, Narcisse Ndri, François Amichia, Paulin Danho, Raymonde Goudou, Eugène Aka Ahouélé, Ahoua Ndoli, Raymond Ndohi et bien d’autres ».
Même si on peut redouter la réaction et l’intransigeance de certains caciques des deux camps, ça ne devrait pas être un obstacle infranchissable. Les éléments de langage distillés, le 11 mars dernier, par Alassane Ouattara et Tidiane Thiam sont suffisamment clairs pour mettre tout le monde d’accord. « Nous sommes des partis houphouëtistes tous les deux, et nous devons œuvrer ensemble pour continuer à guider la Côte d’Ivoire sur le chemin du développement et de la paix », a déclaré le nouveau patron du PDCI. « Le PDCI est un parti auquel je suis particulièrement attaché [il en a été le numéro deux, entre 1990 et 1993, NDLR]. C’est un parti avec lequel le RDHP a des relations fortes, qui porte la même philosophie, la même vision pour une Côte d’Ivoire en paix, c’est-à-dire stable et prospère. Le président Thiam va beaucoup lui apporter. Nous avons donc échangé pour faire en sorte que les choses se déroulent selon notre vision commune : la démocratie et la paix pour la Côte d’Ivoire », affirmait pour sa part, le chef de l’Etat. Alors, si ce n’est le signe évident d’un rapprochement, ça y ressemble.
Martial Galé