
Autosuffisance en protéines animales et halieutiques / Sidi Touré depuis Paris : « Le gouvernement ivoirien va relever le défi de la souveraineté »
Le ministre des Ressources Animales et Halieutiques est à Paris en France depuis quelques jours, dans le cadre du Salon international de l’Agriculture SIA 2024. Invité de la chaîne de télévision “TV5 Monde”, Sidi Tiémoko Touré a tenu à rassurer que la Côte d’Ivoire finira par relever le défi de sa souveraineté alimentaire en protéines animales et halieutiques. Et que le gouvernement a-t-il souligné, “se donne les moyens” pour y arriver.
TV5 Monde: M. le ministre, quelle doit être la priorité de la Côte d’Ivoire en matière de sécurité alimentaire ?
Sidi Tiémoko Touré: La question de la sécurité alimentaire s’exprime dans tous les différents pays. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire qui ne fait pas exception, que ce soit au niveau de la production végétale ou animale, nous avons d’une manière générale une forte dépendance, en tout cas pour ce qui concerne la production animalière, une forte dépendance vis-à-vis des productions venant des autres pays. Et c’est ce qui justifie d’ailleurs le développement d’énergie dans notre département ministériel pour produire localement les produits à la consommation.
Le 15 janvier dernier le Président Alassane Ouattara suspendait l’exportation de 20 produits alimentaires sur une durée de 6 mois. On a vu certains s’en plaindre. Déjà que leur répondez-vous ?
Déjà c’est une disposition qui est réglementairement établie en Côte d’Ivoire par décret depuis 2022. Il ne faut pas aussi oublier un fait conjoncturel, la Côte d’Ivoire devait vivre la Coupe d’Afrique des Nations où il était attendu plus de 2 millions de population d’autres pays pour participer à cet événement. Et donc pour éviter l’inflation des prix et garantir la disponibilité des différents produits vivriers sur le marché, pour ce qui concerne la banane pour la transformation en alloco qui est très prisé; le manioc pour la transformation en atiéké qui est très prisé, l’igname aussi, il a fallu prendre cette mesure conservatoire de courte durée à l’effet de pouvoir garantir la disponibilité de cela sur le marché. Aujourd’hui c’est chose faite, la Coupe d’Afrique est derrière nous et nous sommes revenus à la normale.
Il y quelques mois vous avez présenté la politique du gouvernement en matière de ressources animales et halieutiques avec un objectif de souveraineté de plus 65% des besoins de consommation des populations en 2026, vous pensez tenir ce chiffre ?
Nous n’avons pas le choix que de tenir ces chiffres parce que les différends contextuels conjugués au niveau mondial nous obligent aujourd’hui à adresser la problématique de la disponibilité des produits à la consommation au niveau local. Quand vous prenez le poisson, on peut le dire, la Côte d’Ivoire est pratiquement le premier pays importateur de poissons dans le monde là où nous disposons de beaucoup de ressources hybrides en termes d’eau, de lacs, fleuve etc… Ceci n’est pas acceptable. Et même au niveau de la production animalière, nous avons aussi cette dépendance trop forte dans un environnement assez complexe où des pays voisins sont en situation de fragilité. Donc aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est obligée d’adresser ses problèmes de souveraineté et, nous y mettons les moyens. Le gouvernement s’y atèle à travers le développement d’une politique, la politique de développement des ressources animales et halieutiques qui a été adoptée par le gouvernement en janvier 2022 et qui nous permet par petits pas de relever structurellement les défis de la souveraineté.
Vous êtes présent ici à Paris pour le SIA, quel message la Côte d’Ivoire veut envoyer aux potentiels investisseurs ?
Nous disposons d’un potentiel énorme d’investissement dans le secteur des ressources animales et halieutiques. Ce sont 450 milliards FCFA en devises que la Côte d’Ivoire dépense pour importer les produits laitiers, les produits animaux et même les produits halieutiques pour les besoins de consommation. Quand on prend juste le poisson, on consomme près de 600 000 tonnes de poisson par an là où nous produisons qu’à peine 115 000 tonnes. Il y a donc là un gap à combler pour la production locale. Donc les investisseurs, qu’ils soient Ivoiriens, étrangers, sont appelés à venir investir dans ce secteur.
Vous avez déclaré, il y a quelques mois, que plus de 80% des acteurs de la pêche venaient de pays voisins. Comment vous expliquez ce chiffre très élevé et surtout que met en place le gouvernement ivoirien pour changer la donne ?
Culturellement l’Ivoirien n’est pas véritablement pêcheur, et 80% c’est énorme. Mais culturellement l’Ivoirien est beaucoup plus tourné vers la terre. Donc c’est une tradition sur sommes en train d’essayer de changer et les convertir.
Comment allez-vous essayer de changer cette tradition ?
Changer la tradition en les orientant vers l’élevage de poissons et ceci, à travers les différents projets et programmes que nous avons mis en place , notamment le Pro-aquacole qui permettra de faire la mobilisation des différents intérêts à investir dans le secteur. Je vous parle encore de ce qui concerne le poisson de près de 350 milliards FCFA. C’est une cagnotte que les Ivoiriens peuvent accueillir en s’investissant dans l’élevage de poissons en Côte d’Ivoire. Tout intérêt financier, je crois que ça leur parle.
Que met en place la Côte d’Ivoire pour une pêche durable vu que c’est un enjeu qui est important pour l’humanité ? L’année dernière, vous avez des périodes de repos biologique pour les poissons dans la pêche maritime, quelles les autres mesures mises en place ?
Nous disposons aujourd’hui d’un centre de surveillance des pêches qui permet de faire la cartographie au quotidien de toute la pêche illégale sur toute l’étendue de nos différentes eaux. En plus de cet outil, nous avons lancé comme vous l’avez dit, l’année dernière une mesure de fermeture des pêches qui a été un franc succès et nous comptons l’élargir cette année sur tout le continent. En dehors des eaux maritimes , nous allons sur les eaux lagunaires et les fleuves à l’effet de pouvoir véritablement sensibiliser les populations contre la mauvaise pêche qu’elles pratiquaient par le passé. De sorte à ce que nous puissions avoir une pêche durable et garantir la ressource dans sa quantité mais également dans sa diversité.
Avec l’ouverture du Salon international de l’Agriculture, est-ce que vous avez déjà fait des rencontres intéressantes ?
Ah oui ! Les niches sont là et l’intérêt est fortement grandissant pour cet axe d’investissement aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Je l’ai dit, c’est un chantier véritablement vierge en investissement depuis la production jusqu’à la fourchette. Comme on le dit, de la fourche à la fourchette. Et nous attendons des investisseurs dans tous les axes de la chaîne des valeurs et, nous avons avec certains groupes français et en dehors des groupes français certains groupes européens qui ont marqué un intérêt de sorte que, dans un partenariat public-privé, ils puissent investir dans notre écosystème de la pêche ou de l’élevage en Côte d’Ivoire.
Il y a un enjeu qui est important, c’est la transformation locale. Que met en place le gouvernement ivoirien pour faire en sorte que les choses soient transformées localement et pas à l’étranger ?
C’est déjà le cas en matière de production halieutiques parce que la Côte d’Ivoire est le premier port subsaharien thonier et parce que nous avons pris les dispositions pour que les grands groupes qui pêchent le poisson le transforment localement. Et d’ailleurs, le poisson transformé en Côte d’Ivoire, mis en boîte est directement livré dans l’Union Européenne dans les supermarchés. Donc c’est déjà une grande initiative à ce niveau. Sur les autres spéculations, nous y travaillons au fil des lots parce qu’il est important qu’il y ait au minimum une valeur ajoutée et non seulement la production brute qui aille à l’extérieur, à l’exportation.
Pour les jeunes Ivoiriens, comment leur donner envie de s’intéresser au-delà de ce qui est mis en place par le gouvernement, à ces domaines ?
La Côte d’Ivoire est connue comme étant le premier producteur de cacao et je leur dis toujours que, le futur café-cacao de la Côte d’Ivoire sera les ressources animales et halieutiques. Et je les engagent tous les jours à s’y investir pour ne pas rater le coche de l’enrichissement qu’ils appellent tant.
Hilaire Gueby avec Avec Ministère