CAN2023/ Après la victoire des Eléphants, voici ce qui s’est réellement passé à Akradio!
Alors que la Côte d’Ivoire était dans le dur pendant la Coupe d’Afrique des nations (CAN), une déclaration en provenance du village d’Akradio, promettant de qualifier et faire gagner la sélection nationale de football, a gonflé d’espoir tous les Ivoiriens. Une semaine après le sacre des Eléphants, nous nous sommes rendus dans le village, le 17 février 2024.
Depuis le 11 février 2024, la Côte d’Ivoire est sacrée championne d’Afrique de football. Du 13 janvier au 11 février 2024, le pays est passée par toutes les émotions, avant de monter sur le toit de l’Afrique. L’un des points d’orgue du parcours de la sélection ivoirienne fut, à n’en point douter, la Bérézina face à la modeste sélection de la Guinée Equatoriale, qui a infligé une raclée à la Côte d’Ivoire sur le score sans appel de 4-0. Au moment où les Ivoiriens se trituraient les méninges pour démêler l’écheveau sur cette cuisante défaite, que l’attention de tous a été portée sur des violences inouïes en provenance d’Akradio. Village bien connu des Ivoiriens et réputé exceller dans des pratiques supranaturelles. L’on y apprenait que des « sorciers », avec à leur tête une cheftaine, auraient travaillé à l’encontre des Eléphants.
Dans la foulée, le village a promis de faire qualifier les Éléphants. Mieux, leur permettre de remporter le trophée continental. Une semaine après la victoire, nous nous sommes rendu dans ce bourg, et avons pu rencontrer des sachants qui ont voulu lever un coin du voile sur bien de mystères. Le samedi 17 février 2024, la pluie qui s’est abattue la matinée dans le département de Dabou a fini par générer un bon temps. L’heure est à la ferveur dans le village qui s’apprête à recevoir son fils, Metch Silas, le ministre délégué au Sport et au Cadre de vie.
Dans un espace discret, nous entamons notre conversation. « Dès que le ministre Metch Silas a été nommé, il est venu ici, au village, et nous a demandé de taire toutes nos divergences pour nous mettre ensemble, unir nos forces en vue de permettre à la Côte d’Ivoire de remporter la coupe d’Afrique qui se joue en Côte d’Ivoire. Nous lui avons fait la promesse que la coupe restera en Côte d’Ivoire. Dès lors, tout a été mis en œuvre à cet effet. Nous avons tenu parole (rires) », nous dit d’entrée un de nos interlocuteurs.
Quant à la question de savoir comment l’on peut expliquer les défaites contre le Nigeria (1-0) ou encore contre la Guinée Equatoriale (4-0), l’explication qui nous est donnée est la suivante. « Il y a des problèmes de chefferie ici. Certains cœurs n’étaient pas tout à fait en phase, et continuaient d’être irrigués par des ressentiments et la division. Il y a donc, certains qui nous faisaient déjouer. Mais, il y a eu une réunion d’urgence de tous les mystiques. Suite à laquelle une déclaration commune, abondamment diffusée par les réseaux sociaux, a été faite et lue urbi et orbi, promettant la victoire finale aux Eléphants. Puis notre fils, le ministre Metch Silas, est venu, ici, et nous nous sommes entendus ». A la demande de savoir où se trouve la « sorcière » qui avait vu sa modeste maison incendiée suite au revers contre la Guinée Equatoriale, la réponse est celle-ci : « Elle va bien, et habite depuis lors chez sa fille. Elle est à Akradio, et mène paisiblement ses activités », nous informe-t-on.
Abordant l’aspect pragmatique, concret du travail mystique, sans aller dans les profondeurs des choses, nos interlocuteurs indiquent juste que toutes les populations étaient mises à rude contribution. « La veille de match des Eléphants, tout le monde est tenu de faire ses emplettes et son marché. Tout est immobilisé. Car, le jour du match, c’est pour unir nos forces et prières pour les Eléphants. Les bougies sont allumées partout, et chacun entre dans son bois sacré. Naturellement, tout le monde appuie les mystiques commis à la tâche », disent-ils en chœur.
Les attentes d’Akradio
La notoriété d’Akradio a franchi, aujourd’hui, les frontières du seul département de Dabou. Selon nos interlocuteurs, Akradio, après tant de loyaux services à la nation, réclame sa part de reconnaissance à l’Etat de Côte d’Ivoire. « En 1992, le ministre Réné Dibi est venu nous solliciter. Certains des nôtres ont effectué le déplacement pour appuyer notre sélection nationale. Nous avons gagné notre première coupe d’Afrique des nations. Mais à leur retour, deux d’entre eux sont décédés, seulement deux jours après. Il n y a jamais eu ni compassion ni réconfort de l’Etat. Comment les enfants de ces défunts vivent et ont traversé tous ces temps difficiles ? Personne ne s’en est soucié. C’est pourquoi, nous en voulons toujours à René Dibi. Les joueurs, à l’époque, ont reçu 5 millions F CFA et une villa. Ici, à notre souvenance, personne n’a rien reçu. En 2015, Sidy Diallo ne nous a pas consultés, il est venu chercher clandestinement certains de nos frères ici. Nous ne lui réclamons rien, car il ne nous a pas consultés à cet effet, à l’époque. Cette année, c’est notre fils qui nous a consultés, et nous sommes en droit de réclamer des choses. D’abord, nous voulons qu’il soit confirmé ministre des Sports et du Cadre de vie par le président de la République. Et non ministre délégué. Ensuite, nous réclamons le bitumage de la voie qui mène à notre village, jusqu’au km 44. Il faut ouvrir et équiper notre maternité, pour que plus jamais une femme ne meurt en couche .Ce n’est pas l’argent qui nous importe », plaident–ils.
Pour la suite, les « sorciers » d’Akradio sont très confiants. Ils estiment qu’ils peuvent servir la Côte d’Ivoire et lui permettre de glaner d’autres lauriers inespérés. « Nous sommes disposés à accompagner la Côte d’Ivoire au prochain mondial, et la hisser à un niveau jamais égalé par une nation africaine », promettent-ils. Il est à espérer que le ministre Metch Silas, qui a communié avec les populations de son village Akradio, samedi soir, pour leur dire merci et traduire la gratitude du gouvernement, à travers des gestes en numéraires, saura prendre bonne note, et transmettre à qui de droit les désidératas des populations de son village, Akradio.
Vincent BOTY
(Envoyé spécial)