Présidentielle au Sénégal : des religieux « stupéfaits » par l’arrêt du processus électoral
Tandis que le khalife général des mourides a affirmé qu’il ne se mêlait pas de politique, plusieurs organisations religieuses ont exprimé leur désapprobation après l’annonce du report de l’élection qui devait se tenir le 25 février.
Alors que des heurts ont éclaté dans différentes communes de Dakar après l’annonce, le samedi 3 février, du report sine die de la présidentielle initialement prévue le 25 février, Macky Sall tente de rassurer la communauté religieuse.
Dimanche en fin de journée, deux émissaires du chef de l’État sénégalais se sont rendus à Touba, ville sainte des mourides, pour y rencontrer le plus haut dignitaire de cette puissante confrérie musulmane, dont l’influence est prépondérante dans la vie politique et sociale du pays.
Devant Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, le khalife général des mourides, Omar Youm et Sidiki Kaba, respectivement ministre des Forces armées et ministre de l’Intérieur, ont expliqué les raisons qui ont mené au report du scrutin, une première dans l’histoire du pays. Le guide religieux, qui était assisté pour l’occasion de son porte-parole, Serigne Bassirou Abdou Khadre Mbacké, et de deux autres collaborateurs, s’est contenté de répondre qu’il « ne se mêle pas des activités et des divergences politiques ». L’audience, qui s’est déroulée peu après 17 heures, n’a duré que trente minutes.
« Lourd préjudice »
Une prudence qui tranche avec la réaction du Cadre unitaire de l’islam au Sénégal (Cudis), qui a dit avoir appris « avec stupéfaction et inquiétude l’arrêt du processus électoral ». Selon le Cudis, « cette mesure prise à quelques heures du démarrage d’une campagne électorale longuement préparée par les candidats et tout l’écosystème politique génère un lourd préjudice à notre pays en termes d’image et de continuité du processus démocratique ».
La Ligue des imams et prédicateurs du Sénégal (LIPS) a, elle, dénoncé « une attitude du chef de l’État en contradiction avec son rôle de gardien de la Constitution » avant de l’enjoindre à « renoncer à cette initiative catastrophique ». Enfin, l’Église catholique s’est dite – par la voix de l’archevêque de Dakar, Benjamin Ndiaye – « dérouté[e] par ce qu’il se passe ». « Il faut que les Sénégalais évitent la technique du contournement. Quand il y a un règlement, c’est pour qu’il soit suivi, et non pour qu’on passe à droite et à gauche. Quand on respecte le règlement, on peut avancer », a insisté le prélat.
C’est lors d’une brève allocution télévisée, samedi, que le chef de l’État a annoncé l’abrogation du décret qui convoque le corps électoral et fixe la date de la présidentielle. Cette décision fait suite à la mise en place – à la demande du Parti démocratique sénégalais (PDS) – d’une commission d’enquête parlementaire sur des soupçons de corruption, de conflits d’intérêts et de collusion contre deux juges du Conseil constitutionnel. Ces derniers sont accusés d’avoir été influencés par le Premier ministre, Amadou Ba, candidat de la majorité présidentielle, pour faire invalider la candidature de Karim Wade.
Un report qui divise
Cette annonce de report a également divisé la classe politique sénégalaise. Plusieurs cadres de l’opposition ont dénoncé « un coup d’État constitutionnel », accusant le chef de l’État de chercher à rallonger illégalement son mandat, censé s’achever le 2 avril prochain.
« Dans un discours sans aucune profondeur, évitant toute référence juridique, le président a porté un coup violent à notre démocratie », s’est offusqué sur X (anciennement Twitter) l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, candidat à la présidentielle. « Rien ne peut justifier un report d’une élection présidentielle dans un pays comme le Sénégal, connu pour sa tradition démocratique. Le calendrier électoral doit être respecté et nous avons commencé la campagne », a pour sa part réagi Déthié Fall, un autre candidat de l’opposition.
Source : Jeune Afrique