Reportage / 3 mois après l’attaque du Hamas: Comment les familles des victimes israéliennes s’organisent (Envoyé spécial)
L’Etat d’Israël a fait l’objet d’une série d’attaques meurtrières et d’une sauvagerie sans précédent, le 07 octobre 2023, à sa frontière Sud avec Gaza. Trois mois après cette attaque transfrontalière du Hamas ayant fait, officiellement, 120 morts et 130 prises d’otages (côté israélien), le quotidien ‘’Le Mandat’’ a dépêché une équipe de reportage à la frontière israélo-gazaouie pour faire l’état des lieux.
Il est exactement 10 heures, ce lundi 8 janvier 2024, quand notre équipe de reportage quitte son hôtel à Tel-Aviv pour se rendre dans le Sud d’Israël, précisément à Erez, porte d’entrée dans la bande de Gaza. Situé à 40 kilomètres de Tel-Aviv, c’est sans difficulté aucune que notre équipe de reportage parvient au poste frontalier d’Erez ,le seul point de passage permettant le transit entre Israël et la bande de Gaza en région Palestinienne ,sous une température qui atteignait les 17° C.
Mais avant de parvenir au Terminal d’Erez qui est le premier verrou de sécurité que le mouvement de résistance Palestinien Hamas a vite fait de sauter pour s’attaquer aux civils israéliens, le 7 octobre 2023, notre équipe de reportage a, d’abord, marqué une pause à l’entrée d’Erez. Histoire de se voir dicter quelques dispositions pratiques dans une zone de guerre. Et c’est le colonel Olivier Rafowicz, porte-parole du Tsahal, c’est-à-dire, l’armée de défense israélienne pour la presse francophone, qui se charge de nous recevoir. Très rapidement, il nous fait porter des gilets par balles et visser sur nos têtes des casques avec pour consignes fermes :
« A chaque alerte à la roquette, tout le monde se couche avec les mains sur le ventre ». Dès cet instant précis, un sentiment de peur s’installe en nous, surtout que l’on entendait déjà des tirs de roquettes depuis Gaza ; mais l’envie dé découvrir la réalité du terrain prend immédiatement le dessus. Accompagnée donc de soldats aguerris, notre équipe de Reportage met, aussitôt, le cap sur le poste-frontière d’Erez, situé en face. Le décor qui s’offre à nos yeux donne l’impression d’émerger d’un véritable cauchemar. Le Terminal ultra moderne jusqu’au 07 octobre est, aujourd’hui, sens dessus, sens dessous.
A tous points de vue, il renvoie au passage d’un cyclone. « Le Hamas nous a imposé la guerre. Vous voyez, ce poste-frontière est tenu par l’armée israélienne. Chaque jour, ce sont des milliers de gazaouies, détenteurs d’un permis de travail, qui l’empruntent pour venir en Israël. Il y a un Terminal piéton à gauche et plus à droite, un Terminal pour véhicule et moto. Plus de 20.000 personnes traversent chaque jour ce Terminal pour venir travailler en Israël ou avoir des soins médicaux. Pour les véhicules, c’était beaucoup de diplomates, des organisations internationales…qui passaient. Toutes ces infrastructures ont été mises en place pour créer de meilleures conditions dans la bande de Gaza.
Mais le Hamas les a attaquées ,le 7 octobre vers 6 heures du matin, alors que les soldats dormaient encore dans les chambres. Ils ont été tués… », a déploré le porte-parole de l’armée. qui nous intime l’ordre, de nous coucher à même le sol à chaque alerte à la roquette tirée depuis Gaza. Et de préciser que les terroristes ont brûlé les chambres, tué plusieurs soldats et kidnappé d’autres, lors de cet assaut sanglant. Une visite du Terminal a permis de constater l’ampleur des dégâts. Les murs de béton séparant la bande de Gaza ont été coupés à l’explosif et les bureaux incendiés.
Plusieurs documents jonchent le sol noirci par les dioxines de carbone. « C’est par là que le Hamas est rentré en Israël. Les terroristes ont détruit nos caméras robotisés qui captent des présences ennemis et tirent à partir d’un QG », a confié le colonel Olivier Rafowicz qui rappelle qu’après avoir passé le Terminal, les terroristes ont, ensuite, attaqué 22 Kibbutz (communautés ou assemblées en Hébreu) à bord de plusieurs Pick-up.
La désolation dans les Kibbutz
Tour à tour, nous avons visité certains kibbutz impactés. Outre, Erez, notre équipe de reportage s’est rendue à Kfar Aza, Faraz’A, Sterot, Nahal-Oz, Rehim et Beeri. Partout où nous sommes passés, même décor, même consigne. « Vous allez attendre beaucoup de bruits d’artillerie. Mais vous devriez comprendre que nous sommes dans une zone de guerre. Restez en alerte, il y a des tirs de roquette. S’il y a une alerte à la roquette, on se met par terre, on met la main sur le ventre et on s’allonge à même le sol», prescrit notre guide. A Beeri, le choc est grand et la charge émotionnelle intense. Une des rares habitantes rencontrée nous a raconté avec une émotion sincère et sous le couvert de l’anonymat, le drame qu’a vécu une humanitaire.
En occurrence Viviane Sylva, une ressortissante canadienne œuvrant pour la paix qui a été tuée chez elle, ce matin fatidique. Cette activiste pour la paix, pleine d’énergie et bourrée de charme, croyait sincèrement en la paix et pensait qu’il fallait vivre les uns à côté des autres. Pour elle, a-t-elle poursuivi, il fallait travailler pour la paix et elle était engagée pour cette cause, raison pour laquelle elle a choisi de vivre dans cette zone qui en avait besoin. « C’est une femme magnifique qui travaillait aussi avec des femmes Bédouines pour essayer d’apporter l’éducation, des opportunités professionnelles, pour un meilleur avenir. Le 07 octobre, vers 6 heures, il y a beaucoup d’alertes à la roquette. Mais, nous vivons avec des gens à la frontière qui, malheureusement, sont habitués aux alertes à la roquette.
Très rapidement, les gens ont compris qu’il y a quelque chose d’inhabituel. Les alertes ayant duré plus d’une quinzaine de minutes. En dehors des maisons, on attend des crépitements de kalachnikov et des gens crient en Arabe hors des maisons. En Israël, les abris en béton armé sont obligatoires, surtout dans cette partie Sud du pays, pour se protéger des roquettes qui pleuvent sur les maisons. La plupart des gens, comme Viviane Sylva, ont été tués à l’intérieur des maisons en essayant de retenir la porte ; puisque les terroristes ont tiré dans les portes avant de pénétrer directement à l’intérieur pour tuer ces personnes. Dans certains cas, quand ils n’y arrivent pas, ils prennent des pneus, du gaz ou du carburant ramenés de Gaza pour y mettre le feu. Beaucoup sont brûlés vifs ou asphyxiés.
Ceux qui ont eu beaucoup plus de chance ont été kidnappés ou violés. Ils ont envoyé des menottes en plastique pour les attacher. Il y a des maisons qui ont brûlé à un tel degré qu’on a mis du temps pour identifier leurs corps. Pour le cas de Sylva, on croyait qu’elle avait été kidnappée au début ; il a fallu après 1 mois et une semaine pour qu’on identifie le corps de Sylvia dans la maison. Je ne sais pas si vous imaginez un corps brûlé, mais malheureusement, il ne reste rien. Souvent c’est à partir d’une dent. Il y a des cas, où le gouvernement d’Israël a eu recours à des archéologues pour pouvoir identifier les corps. A Beeri, toutes les maisons étaient inondées de sang qui ont été totalement lavées », a-t-elle marmonné.
Une visite des lieux a permis de se rendre à l’évidence. La structure de la résidence de Viviane Sylva qui était la joie de vivre personnifiée, tout comme bien d’autres, a été gardée; mais l’intérieur est ravagé par les flammes. Le toit de cette belle bâtisse en train de s’effondrer. Des tuiles dégringolent à l’intérieur. Des véhicules calcinés et le Kibbutz porte encore les stigmates de l’assaut terroriste. Quand ils sont arrivés en ces lieux, renseigne notre guide de circonstance, ils ont tiré, sans autre forme de procès sur les habitants ou ont mis le feu dans leurs résidences lorsque les terroristes peinaient à avoir accès à l’intérieur.
Une autre dame en a fait les frais de ces radicaux du Hamas. « Une vieille personne habitant ici, en chaise roulante, a été assassinée dans la maison avec son employé Jimmy, originaire des Philippines. Le hic c’est que la femme de Jimmy, au moment du 07 octobre, était enceinte de 8 mois. Mais son bébé va naître sans papa. Le Hamas ayant assassiné Jimmy. Ce que je vous ai raconté est une infirme partie des tragédies vécues dans les kibbutz », a averti un autre habitant qui s’offusque que les terroristes signaient sur le mur des maisons à chaque fois qu’ils exterminaient une famille.
La voie de la CPI explorée
Ettan Yaholomi, elle, dit attendre toujours le retour de sa sœur Ohad Yahalomi, ainsi que celui de son frère. Les yeux inondés de larmes, elle raconte comment son frère Ohad, 49 ans, a été enlevé depuis le 07 octobre au kibbutz Nir Oz par les terroristes du Hamas, après une fusillade au cours de laquelle il a reçu une balle en pleine jambe. «Mon cœur me dit qu’il est vivant, j’y crois. Il faut que vous m’aidiez, je vous en supplie, vous les journalistes du monde entier, à faire passer le message pour que les coupables soient punis et que nos proches rentrent à la maison », a-t-elle plaidé. Pour rendre justice aux centaines de familles israéliennes dans la même situation de détresse, Yael Gvirtzman, juriste et spécialiste dans le droit pénal que nous avons rencontrée s’est engagée à constituer des dossiers solides pour donner une suite judiciaire à l’attaque du 07 octobre 2023.
« Le 07 octobre a été une attaque ciblée, généralisée qui a eu lieu dans 22 kibbutz et deux grandes villes dont Rehim qui abritait un festival des jeunes dénommé Festival Nova. Et la mort est venue les trouver. Tout cela est défini comme un crime contre l’humanité. Le 07 octobre, chacun s’est mis dernière le drapeau en transcendant les croyances, les confessions. Tuer, brûler, ligoter, violer, ce sont des crimes continus. Je peux proposer aux familles et aux victimes quelque chose : leur rétablissement par la voie de justice », a indiqué Yael qui parle d’une crise générationnelle entre Israël et la Palestine qui dure 100 ans.
«Mais c’est la première fois qu’on a vécu le 07 octobre avec des crimes à caractère sexuel à base de genre. Je réuni les preuves, des pièces avec des actes d’accusation. Je suis en contact avec le Bureau du Procureur de la CPI », a-t-elle rassuré avant de rappeler que le 07 octobre, c’est 250 otages dont certains libérés, 130 israéliens tués et 300.000 personnes déplacées en 24 heures.
Un film de 47 minutes terrifiant
D’ailleurs, pour parler de preuves relativement aux atrocités du 07 octobre, l’armée israélienne en dispose. Un passage dans la base militaire de Tzrifin à une trentaine de minutes de Tel-Aviv a permis de comprendre ce jour fatidique. L’armée israélienne nous a fait passer en revue l’armement ayant servi au Hamas de mener l’attaque du 07 octobre. « Nous sommes un pays en traumatisme. Quand la guerre a commencé le 07 octobre, on a eu l’impression que du côté d’Israël, l’histoire n’a pas été racontée comme cela se devait», a introduit le Lieutenant-colonel Idan Sharon-Kettier, la quarantaine alerte, avec un visage alourdi par une barbe épaisse. Ensuite, il nous a présenté toute la logistique des combattants du Hamas.
Des véhicules de type 4X4, des bulldozers, des motos, mais aussi diverses armes étalées sous une tente. La cerise sur le gâteau, un film d’horreur d’une durée de 47 minutes où l’on voit des combattants se filmer à bord de camions pour lancer l’assaut sur Israël à partir de la bande de Gaza. En effet, toutes les scènes de l’attaque ont été filmées par le Hamas à partir des téléphones portables des combattants, mais aussi des caméras de surveillance que l’armée de défense d’Israël (Tsahal) a compilé. Des images insoutenables qu’il est impossible de décrire avec exactitude tant la cruauté échappe à la faiblesse des mots : des hommes, des femmes, des enfants et personnes âgées ont été massacrés, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou mutilés, violées ou kidnappés.
L’armée a pris le soin de nous délester de nos portable et appareils photo. Impossible de visionner ces torses et visages lacérés comme si les victimes sortaient des griffes d’un fauve, des chauffeurs au volant tués. D’autres affalés sur leurs sièges dans une mare de sang, immobiles, foudroyés. Des civils froidement exécutés dans les kibbutz au petit matin, des femmes violées, des enfants kidnappés ou brûlés vifs. Puis aussi des soldats à qui l’on a cisaillé la gorge avant de détacher la tête du corps à partir d’une pelle.
Dans une séquence, on entend un combattant, dans un zèle démesurément indécent, lancé ex abrupto : « Maman, j’en ai tué 10 !». Dans les kibbutz, l’émotion n’est pas retombée, trois mois après les massacres. Des centaines de personnes continuent de s’y rendre pour déposer un mot, des fleurs devant les façades noircies des maisons. «Dormez en paix !», écrivent, entre autres, des mains anonymes tenant, manifestement, à rendre un dernier hommage aux nombreux martyrs.
G. DE Gnamien
(Envoyé spécial en Israël)