Présidentielle en Côte d’Ivoire : comment Tidjane Thiam mobilise ses proches et ses réseaux
L’ex-banquier franco-ivoirien a franchi le pas et s’est officiellement lancé en politique. Le 22 décembre, il a été élu président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), fondé par son grand-oncle Félix Houphouët-Boigny.
Jusqu’où ira-t-il ?
Il y a peu, lorsqu’on lui posait la question sur ses ambitions présidentielles,
Tidjane Thiam, 61 ans, répondait qu’on peut « contribuer à la société de mille manières ». « Les gens sont obsédés par la politique » taclait-il, tout en ajoutant qu’il apporterait toujours des choses à son pays, citant de grandes compagnies privées.
Le fils prodige, dont le parcours scolaire a été présenté comme un modèle à la télévision par son grand-oncle Félix Houphouët-Boigny, et qui, plus tard, a brisé le plafond de verre en tant qu’homme noir dans la finance en Europe, après le départ du pays après le coup d’État qui a renversé en 1999
Henri Konan Bédié (HKB), dont il était le ministre du Plan, Thiam n’était plus revenu.
Après son retour en août 2022, il a réaffirmé à Daoukro, au côté de l’ancien président, son appartenance au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), posant ainsi les premiers jalons de son engagement politique.
En coulisses, depuis plusieurs mois déjà, ses proches s’activent pour préparer sa candidature à la présidentielle de 2025. À la suite du décès de HKB, le 1er août dernier, Tidjane Thiam a donc décidé de lui succéder à la direction du
parti.
Après un processus émaillé de rebondissements, il a finalement été élu le 22 décembre. Dans la course à la magistrature suprême, il misera entre autres sur son expérience dans le secteur privé, et sur son solide réseau à l’international.
Pour les petits-neveux de Félix Houphouët-Boigny, le projet politique de leur cadet est une affaire de famille. Depuis bientôt trois ans, Abdel Aziz Thiam et Yamousso Thiam ont donc mis en place une équipe dédiée.
Ils jouent également les intermédiaires auprès de ses soutiens. Ingénieur de formation et directeur régional du groupe Navitrans, Abdel Aziz Thiam a été inscrit au bureau politique du PDCI en 1990 par Houphouet-Boigny lui-même.
Il était également proche d’Henri Konan Bédié, qui l’avait nommé parmi les membres d’un comité chargé de la mobilisation des ressources. Influent au sein du vieux parti, il a joué le rôle de coordonnateur de la campagne de Tidjane Thiam dans la course à la succession de l’ancien président.
Quant à leur sœur Yamousso, elle est considérée comme la logisticienne de cette même campagne. Figure du luxe et de la culture en Côte d’Ivoire, elle a également mis à profit son carnet d’adresses pour constituer l’équipe de Thiam.
Un autre frère, Augustin Thiam, est gouverneur du district de Yamoussoukro et membre du parti au pouvoir, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
S’il semble garder ses distances avec cette mobilisation, la famille a toujours affiché un front uni. Au moment du retour de Tidjane en Côte d’Ivoire, Augustin, Abdel Aziz et Yamousso étaient à ses côtés lors des visites officielles.
Ils avaient tous été reçus par Alassane et Dominique Ouattara, dans la résidence privée du couple présidentiel.
Sylvestre Emmou, maire de Port-Bouët, fut le directeur de campagne de Tidjane Thiam pour l’élection à la présidence du PDCI. Docteur en médecine, il a été choisi pour son expérience des campagnes électorales. En plus d’administrer une commune importante d’Abidjan, il bénéficie d’une bonne image dans les rangs du parti.
À ses côtés ces dernières semaines : Noël Akossi Bendjo. L’ancien maire du Plateau avait été nommé par Henri Konan Bédié conseiller spécial chargé de la Réconciliation après son retour d’exil en 2021, à la faveur d’une décrispation politique.
Au départ candidat à la présidence du parti, il a finalement annoncé qu’il retirait sa candidature et qu’il se ralliait à Tidjane Thiam. Il a une grande connaissance du parti, dont il a été le secrétaire exécutif chargé de l’organisation et de la mobilisation.
Par ailleurs, plusieurs mouvements de soutien gravitent autour Tidjane Thiam et ce, déjà bien avant qu’il ne dévoile ses ambitions politiques. L’ancien directeur général de Crédit suisse séduit une frange de la jeune génération ivoirienne qui s’est organisée pour le convaincre de franchir le pas. Au-delà des groupes sur les réseaux sociaux tels que « Les amis de Tidjane Thiam », qui compte désormais 45 000 membres, d’autres mouvements sont actifs sur le terrain, notamment au sein de la diaspora.
C’est le cas de la Renaissance du bélier, créé par un membre du PDCI, Patrice Kanté Koffi. Il s’agit de l’un des premiers mouvements à l’intérieur du parti à s’être ouvertement affiché en faveur d’une candidature de Thiam à la présidentielle. Enfin, des élus du parti ont également exprimé leur préférence pour Thiam. Parmi eux, Simon Doho, président du groupe parlementaire du PDCI et proche d’Abdel Aziz Thiam, et Athanase Bredou, député d’Abengourou. Les
Des États-Unis à l’Europe, en passant par l’Afrique, plusieurs chefs d’État font appel à Tidjane Thiam afin d’être conseillés sur des questions économiques et financières. Si elles sont parfois informelles, ces collaborations ont pu devenir
plus officielles. Il s’est par ailleurs servi de son carnet d’adresses pour répondre à des préoccupations qui concernent le continent, comme pendant la crise électorale de 2020 en Côte d’Ivoire ou lors de la pandémie de Covid-19.
Paul Kagame
En 2020, le président rwandais a nommé Tidjane Thiam président du conseil d’administration du Rwanda Finance Limited, l’agence gouvernementale chargée du développement et de la promotion du Kigali International
Cyril Ramaphosa
Lorsqu’éclata la pandémie du Covid-19, le chef d’État sud-africain était encore le président en exercice de l’Union africaine (UA). Il a nommé Thiam envoyé spécial de l’organisation panafricaine qui a ainsi rejoint une task force composée de la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), du Sud-Africain Trevor Manuel, ancien ministre, et du Rwandais Donald Kaberuka, ancien président de la Banque africaine de développement (BAD).
Il était chargé de réfléchir aux conséquences économiques de la crise sanitaire, mais aussi de mobiliser des fonds pour le continent. Il a également travaillé sur ces questions avec le président sénégalais Macky Sall, dont il est proche.
Tony Blair
Tidjane Thiam et l’ancien Premier ministre britannique sont liés de longue date. Au début des années 2000, Thiam est le patron pour l’Europe de l’assureur britannique Aviva, lorsqu’il décide de rejoindre Prudential. Il dirigera le groupe d’assurance de 2009 à 2015, faisant de lui le premier dirigeant noir d’une entreprise du FTSE 100.
C’est à cette même période, en 2004, que Tony Blair créé la Blair Commission for Africa, qui réunit une dizaine de leaders africains, dont Thiam. Il y pilote le volet paix et sécurité. Bien que controversé, le rapport rédigé par cette équipe aurait contribué à l’annulation de la dette de 14 pays africains.
Jeune sénateur : Barack Obama.
Lorsque ce dernier est devenu président des États-Unis, il l’a invité à travailler avec ses équipes sur les questions africaines.
Emmanuel Macron
Avant d’être nommé ministre de l’Économie de l’industrie et du numérique par François Hollande en 2014, Emmanuel Macron a sollicité l’éclairage de Tidjane Thiam pour créer une société de conseil.
En 2020, le président français avait souhaité lui confier le poste de ministre de l’Économie et des Finances, une proposition qu’il avait décliné. Emmanuel Macron apprécie « son talent pour la diplomatie et la coopération multilatérale », confie un proche du financier. Lors de la crise électorale de 2020, Macron est d’ailleurs intervenu pour lever le blocus de la résidence d’Henri Konan Bédié.
Rémy Rioux
Les questions africaines ont rythmé la carrière de ce haut fonctionnaire,
directeur général de l’Agence française de développement (AFD). De 2004 à 2007, Rémy Rioux fut chef du bureau Coopération monétaire et
développement avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique à la Direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE).
Christine Lagarde
En 2016, Tidjane Thiam avait nié les rumeurs qui le présentaient comme étant intéressé par la succession de Christine Lagarde à la tête du Fonds monétaire international (FMI).
Lagarde, désormais présidente de la Banque centrale européenne (BCE), et Thiam s’apprécient. Quelques années plus tôt, en 2010, la Française avait fait appel à ses compétences pour présider une équipe de haut niveau qui travaillait sur le rôle du secteur privé pour faire face aux crises et promouvoir les opportunités de croissance dans les pays en développement.
Lionel Zinsou
Plusieurs figures du monde de la finance africaine font également partie du réseau de Thiam, à l’instar de l’ancien premier ministre béninois, Lionel Zinsou, par ailleurs cofondateur de la banque d’affaires Southbridge avec Donald Kaberuka. Mais Tidjane Thiam est aussi lié à l’ancien directeur exécutif de la Banque mondiale pour l’Afrique subsaharienne, Paulo Gomes et au président d’AfricSearch, Didier Acouetey. Tous se sont retrouvés régulièrement dans des cercles de réflexion sur les économies des pays africai
Enfin, Tidjane Thiam est un habitué du forum de Davos, où il fréquente Jamie Dimon, patron de JPMorgan Chase, une figure importante du forum économique. Ce dernier a soutenu le lancement de sa société d’investissement aux États-Unis début 202.
GUEBY avec Jeune Afrique