Construction du Tribunal de première instance d’Abobo : Les opérations d’assainissement autour de l’ouvrage s’accélèrent
La phase de démantèlement des installations anarchiques autour du palais de justice d’Abobo en finition et de ses voies d’accès est dans sa phase active depuis 48h. Une opération qui se déroule dans le calme mais avec des grincements de dents en sourdine
Pourquoi des riverains trainaient encore les pas
A la date de mi-avril, le taux d’exécution du chantier du Tribunal de première instance d’Abobo était de 75%, selon une source proche du dossier. L’ouvrage est prévu pour être livré fin août prochain. Alors que sa mise en service est très proche, le futur palais de justice baigne encore dans un environnement insalubre, marqué par des installations anarchiques qui, fort heureusement, ont commencé à un être démantelées. Renseignement pris, les propriétaires et autres personnes dans ses zones ont reçu des mises en demeure qui ont expiré fin juin. Ils auraient reçu des informations annonçant une opération de déguerpissement. Afin d’éviter d’être pris de court, ils ont préféré prendre soin d’enlever leur matériel et démembrer les bâtisses et conteneurs, en bois, en grilles ou autres formes de matériaux. Mais ce qu’il faut noter, c’est que ceux qui ont pris cette décision et qui la traduisent en acte étaient peu nombreux.
La fâcheuse habitude de toujours attendre les derniers instants
Pour beaucoup, ils trainaient encore les pas. C’est le constat qui nous a été donné de faire au quartier BC, le mardi 04 juillet, sur le site. Une image qui résume ce que nous venons de dire : ce jeune vendeur de garba, qui exerçait encore à notre passage, alors que tout autour de lui, ses voisins immédiats (maquis, garages, grossistes et détaillants d’œufs, salons de coiffure) ont quasiment tous démantelé leurs installations ou étaient sur le point de le faire. A la question de savoir s’il n’était pas concerné, il a répondu avec un certain sourire, en ces termes : « On dit qu’ils vont venir ». Comme si lui-même doutait encore de la mise en œuvre effective de cette opération de salubrité qui s’impose avant la mise en service du temple de Thémis à Abobo. Une situation d’indécision qui se rencontre très souvent, avant et pendant ce genre d’opération de déguerpissement, et qui, malheureusement, par la suite, cause des désagréments à bien de personnes. En principe, cela aurait pu faire école.
Mais ça ne sera sans doute pas aujourd’hui. Retrouvons, pour s’en convaincre, notre même vendeur de garba, un jour plus tard, c’est-à-dire le mercredi 05 juillet. Cette fois, les choses vont prendre une nouvelle tournure. Elles vont s’accélérer pour être plus exactes. Puisque c’est ce jour que des éléments de la police municipale d’Abobo, venus en grand nombre, à l’aide d’engins lourds, ont choisi pour passer à l’action, après avoir quadrillé la zone tout autour du palais, mais bien au-delà. Sur l’ancien tracé de la voie de contournement d’Abidjan ou Y4, qui part de l’Eglise Béthel route d’Akéikoi pour le marché de nuit (Avocatier) en longeant le palais de justice, au niveau du quartier BC et en passant par le terrain de foot où l’ex international Yao Kouassi Gervais dit Gervinho a fait ses débuts. Une présence policière qui va pousser les personnes dans les emprises à se précipiter pour récupérer leurs biens ou à suivre l’opération. A côté de planches amassées, le vendeur qui a visiblement démonté sa baraque à la hâte avait le regard hagard, se posant certainement mille et une questions.
La peur du lendemain
Si l’indécision a guidé certains, d’autres par contre, c’est l’incertitude qui a freiné leur volonté ou envie de partir. C’est le cas de cet électricien auto, installé depuis une trentaine d’années sur la voie qui part du carrefour garage pour le petit marché de BC et la formation sanitaire de ce sous-quartier squattée par des tenanciers de maquis, restaurants et surtout des garages auto transformés de nuit en parking auto sous surveillance. Ce tronçon qui longe l’EPP Houphouët-Boigny 4 dessert également le palais de justice par l’arrière. Tout naturellement, elle est concernée par l’opération de déguerpissement. Notre nouvel interlocuteur, qui a requis l’anonymat, se dit conscient qu’il doit partir au même titre que ses autres collègues. Il nous montre pour cela les traces de véhicules antérieurement stationnés dans son garage, en attendant d’être réparés, mais que les propriétaires sont venus récupérer, vu la situation. Lorsque nous l’avons trouvé dans ce qui lui reste comme lieu de travail, mardi 04 juillet, il a avoué que ce qui le hante particulièrement, c’est l’urgence d’un site pour l’accueillir. A ce sujet, il pense que les alentours du bassin de retenue d’Akeikoi, construit par la Banque mondiale, à travers le PRICI, pourraient faire son affaire. « Surtout que c’est une zone désormais non constructible », a-t-il indiqué. Pour autant, ce point de chute est loin d’être un acquis. Des riverains, selon ses dires, indiquent qu’ils n’ont pas été dédommagés à la faveur de la réalisation du bassin, et donc qu’ils ne souhaitent pas accueillir qui que ce soit. Notre interlocuteur n’entend pas pour autant baisser les bras. Il soutient qu’il va continuer de négocier. Parallèlement, il en appelle à l’aide au pouvoir public. A demi-mot, d’autres impactés par l’opération d’assainissement tendent à signifier qu’ils ont été pris de court et qu’ils souhaitent un appui pour être relocalisés. A la question de savoir si être établi sans autorisation n’enlève pas ce droit au pouvoir public de les réinstaller obligatoirement, l’un des impactés déclare en substance ceci : « Nous sommes des pères et mères de famille, qui ne vivons que de ce qui est en train ou va être démoli ». Avant de demander : « Où allons-nous aller et surtout comment allons vivre et faire vivre nos proches ? »
Les motivations d’une opération
Une mise en demeure portant libération de l’emprise de la section de l’ancien tracé de la Y4, et signée du 8ème adjoint au maire d’Abobo, Kpan Georges, que nous avons pu consulter, demande l’enlèvement des installations qui, en plus d’être dans l’emprise de la voie, vont entraver, énormément, le bon déroulement des travaux. A défaut, peut-on encore lire, la mairie procédera à leur démantèlement. Certes, la mairie précise que ce chantier rentre dans le cadre des travaux de bitumage en cours dans la commune afin de faciliter la circulation et permettre le transport aisé des personnes et leurs biens, mais on peut, sans risque de se tromper, affirmer que l’imminence de la fin des travaux du palais de justice n’est pas étrangère à la prise d’une telle décision visant surtout à assainir la zone. Hier encore, l’opération de déguerpissement se poursuivait.
Le palais de justice d’Abobo en quelques chiffres
L’ouvrage dont la livraison est annoncée pour fin août prochain est bâti sur 1,250 ha. Il comprend notamment 4 grands bâtiments pour au total 126 bureaux, 6 salles d’audience, 8 violons, 2 restaurants, 1 espace pour personne à mobilité réduite, 1 service de maintenance, 1 infirmerie, 1 parking extérieur et 1 autre au sous-sol.
Mathias Kouamé