Infrastructure sociales de base en CI/Fadel N’Daw (Spécialiste BM à Abidjan) : « 9 barrages vont être réhabilités pour l’alimentation en eau potable
Le Projet de renforcement de l’alimentation en eau potable en milieu urbain (PREMU) est dans sa phase additionnelle qui s’achève en avril 2024. Le spécialiste principal, Eau et Assainissement au Bureau de la Banque mondiale à Abidjan, Fadel N’Daw, en parle.
Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Fadel N’Daw, spécialiste principal Eau et Assainissement au Bureau de la Banque mondiale, à Abidjan, TTL du PREMU. Ingénieur diplômé de l’école internationale. J’ai à interagir avec les populations dans le cadre du projet PREMU. Je me suis rendu à plusieurs reprises dans le Nord du pays, et J’ai pu constater l’impact de ce projet sur les populations.
Vous aviez en charge la gestion du projet. Que devons-nous retenir de ce projet ?
Le PREMU, je crois que c’est un excellent projet qui figure parmi les projets les plus performants du portefeuille de la Banque mondiale. C’est un projet qui a démarré en 2017 avec un premier financement de l’ordre de 30 milliards de FCFA. Ce financement a été mis en œuvre de façon, vraiment, très satisfaisante, en 03 ans. Et, satisfaite de ces résultats, la Banque a engagé un autre financement qu’on appelle financement additionnel de l’ordre de 90 milliards de FCFA. Ce qui fait un total de 120 milliards de FCFA que le PREMU a pu mettre en œuvre. Véritablement, ce projet a démarré dans l’esprit de réaliser des ouvrages de production d’eau et de branchements sociaux dans 12 villes. Mais au total, avec l’approche de cluster, de regroupements de l’ensemble des sites, la volonté d’étendre le projet sur l’ensemble de sites a fait que ce projet, au lieu de 12 localités, dessert aujourd’hui plus de 114 localités. Il a eu un impact très important sur la satisfaction des besoins en eau des populations, qui est couverte jusqu’à l’année 2040. Avec donc le volet assainissement, également dans les écoles et centres de santé, on renforce, disons, l’hygiène au niveau de l’école et des centres de santé. Non seulement ce projet a un impact sur l’alimentation en eau des populations, mais également, il y a des réformes que nous avons engagées et qui permettent au secteur d’évoluer. Par exemple, on a financé un audit des contrats dans le secteur ; on a financé aussi la mise en en place du modèle financier. Tout cela a contribué à la viabilité financière du secteur. Egalement un problème très important. Par exemple, si on prend Abidjan, c’est le niveau des pertes d’eau très important sur le réseau. Parce que le réseau est vétuste. On a donc financé un projet-pilote de réduction des pertes d’eau dans le réseau au niveau de Koumassi. On commence à avoir des résultats très appréciables. Cette expérience va être étendue à tout le pays. Parce qu’il faut non seulement réaliser de nouvelles productions, mais aussi faire en sorte que cette eau produite puisse être distribuée avec le moins de pertes possibles, dans le réseau.
Quel était l’objectif de départ de ce projet ? A-t-il été atteint ?
Les objectifs ont été atteints. C’est un projet satisfaisant depuis sa création, depuis 2017. Il a toujours été satisfaisant, tant dans sa mise en œuvre que sous les aspects de sauvegarde environnementale et sociale ; sur les aspects de gestion financières. C’est un des projets modèles au sein du portefeuille de la Banque mondiale.
Qu’est-ce qui a fait la particularité du PREMU ?
Il y a une très bonne collaboration entre les équipes de la Banque mondiale et la partie gouvernementale. La qualité du dialogue est très très importante. La sélection des projets, aussi, je crois que ça été un facteur déterminant. Nous avons fait en sorte qu’à chaque fois qu’on sélectionne un projet, qu’il y ait une certaine maturité pour qu’on puisse démarrer les travaux, très rapidement. L’autre particularité aussi de ce projet, c’est qu’effectivement, on s’oriente vers la satisfaction des besoins des populations. On met l’accent sur les branchements sociaux pour permettre aux plus pauvres d’avoir accès à l’eau. Egalement, la planification sectorielle joue un rôle très important. C’est-à-dire, on fait en sorte qu’on mobilise une production suffisante pour aller au-delà de l’année 2040. Globalement, c’est un projet qui est bien conçu. C’est un projet qui répond à des besoins précis et qui est conforme, disons, aux orientations du gouvernement. Globalement, on peut considérer que ce genre de projet est transformateur, dans la mesure où non seulement on s’intéresse aux aspects de réalisation des investissements, mais aussi à la pérennisation de ces investissements, en faisant en sorte que le cadre sectoriel soit rénové, en faisant en sorte également que le cadre contractuel entre les différentes parties prenantes, que ce soit l’ONEP ou la SODECI, soit renforcé. Il y a aussi une composante importante dans le projet, qui est le renforcement de capacités de l’ONEP, également de convention qui fait qu’on pérennise les actions qui ont été menées jusqu’à présent.
Quelles sont les bonnes pratiques et les leçons apprises du projet ?
La première, c’est d’être prêt. Quand on prépare un projet financé par la Banque mondiale, il faut mettre l’accent sur la maturité du projet de sorte que, dès que le projet est mis en vigueur, on lance les appels d’offres et on peut démarrer les travaux. Ça, je crois, c’est la première leçon apprise du PREMU. La 2ème leçon, je crois, comme je l’ai dit, il faut une bonne intégration entre les équipes de la Banque mondiale et les équipes du gouvernement. Ce qui a été le cas. Je pense que nous avons eu d’excellentes relations. La partie ivoirienne a senti que la Banque mondiale était là pour les aider, pour les accompagner dans la réalisation du projet. Le climat de confiance qui a prévalu entre l’unité de mise en œuvre du projet et les experts de la Banque mondiale a été déterminant. Egalement, je pense que sur les aspects qui retardent souvent, le projet (aspects environnementaux, les indemnisations des personnes affectées), je vois bien qu’il y a beaucoup de leçons intéressantes à tirer, du fait qu’ici, on a pu anticiper ces aspects, éviter qu’il y ait des blocages dans la mise en œuvre du projet.
Existe-t-il une stratégie de pérennisation des acquis du PREMU ? En quoi consiste-t-elle ?
Pour pérenniser les acquis du PREMU, ce qui est important, c’est de poursuivre ce dialogue, cette capacité d’interaction, de confiance entre la partie gouvernementale et la Banque mondiale. Moi-même, je pars à la retraite, mais je laisse une équipe solide qui a été bien formée, des jeunes qui ont beaucoup d’expérience. Je pense que cela assure la pérennisation des ressources humaines. Pour assurer la pérennisation du secteur en tant que tel, il faut appuyer les réformes. Il faut d’abord appuyer tout ce qui est planification sectorielle. C’est ce qu’on a fait en proposant au gouvernement un programme pour atteindre l’objectif du développement durable des ressources, et aussi tout ce qui contribue à pérenniser les services aux populations, c’est-à-dire penser toujours à la qualité de service, à l’amélioration continue de la qualité de service aux usagers, grâce à la capacité de service de structures telles l’ONEP, la SODECI, à fournir lesdits services. Sans oublier l’aspect très important qu’on oublie souvent dans les projets : la gestion des ressources en eau. Une composante très importante de gestion en ressources en eau qui nous a permis de voir aussi comment rendre pérenne les ressources, autrement comment les protéger contre la pollution. L’ensemble de ces aspects contribue à pérenniser les acquis du projet.
PREMU s’achève. La Banque mondiale envisage-t-elle d’autres financements ?
La phase 2 du PREMU s’achève en avril 2024. Dans le cadre du dialogue qu’on a avec le gouvernement, nous avons accompagné le gouvernement de Côte d’Ivoire à mettre en œuvre une nouvelle stratégie. Le gouvernement, dans le cadre du PND, dit que l’eau potable est une priorité, mais aussi il faut penser aux autres usagers de l’eau tels que l’agriculture, l’élevage, la pisciculture. C’est pourquoi maintenant, on a eu une approche de sécurité de l’eau. Même si la Côte d’Ivoire est un pays où l’eau est abondante, à l’issue de cette étude, nous avons identifié des hospot. Il y a des parties du pays où la ressource en eau n’est pas garantie sur toute l’année. La qualité de l’eau aussi n’est également pas garantie. Avec cette étude, cette approche, on a pu identifier notamment la région nord du pays qui est une zone de vulnérabilité, en termes de ressources en eau, mais aussi d’autres parties du pays. Sur la base de cette étude sur la sécurité de l’eau qui a été adoptée par le gouvernement, la Banque mondiale a été sollicitée pour financer un nouveau projet qu’on appelle ‘‘Projet d’appui à la sécurité de l’eau’’ (PASEA), avec un financement de l’ordre de 150 milliards de FCFA, qui est en train d’être préparé et qui va aller en Conseil d’administration, en décembre prochain.
En quoi va consister le PASEA, et quels sont ses Les objectifs ?
Les objectifs du projet visent à sécuriser les ressources en eau. Par exemple, dans la zone nord du pays, il y a un certain nombre de barrages qui avaient été réalisés depuis plus de 30 ans, mais qui sont menacés, et donc nécessitent une réhabilitation. Dans le cadre de ce projet, il y a 9 barrages prioritaires qui ont été retenus et qui vont être réhabilités, pour permettre de sécuriser l’alimentation en eau potable et de fournir également des services d’irrigation. Il y a également une forte composante en milieu rural. On va réaliser une dizaine de forages multi villages dans la zone nord. On va également réaliser des stations de boue de vidange. Parce qu’à part Korhogo, je pense qu’aucune autre ville du Nord ne dispose de systèmes de traitement des eaux usées. Ça, c’est la volonté du projet de doter des villes de systèmes d’assainissement avec un traitement de boue de vidange. On a également une composante forte de réalisation de latrines en milieu rural. 50 mille latrines vont être réalisées par la Direction de l’Assainissement rural dans cette zone. Dans l’ensemble du pays également. Puisque le projet PREMU avait mis en place, pratiquement, 30 mille branchements sociaux. Et cela été un très grand succès, avec une très forte demande des populations. Dans le cadre du nouveau projet, nous allons réaliser 100 mille branchements sociaux dans l’ensemble du pays. Au total, c’est un projet intégré qui vise à la fois la sécurité de l’eau avec la réhabilitation de barrages, la mise en œuvre de la gestion intégrée de ressources en eau. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de réhabiliter les barrages. Il faut aussi les protéger, s’assurer que la maintenance est en bonne voie, et que les ressources financières sont disponibles pour assurer la maintenance, afin d’éviter la situation dans laquelle on se trouve aujourd’hui. Parce que ces barrages, depuis 30 ans, n’ont pas fait l’objet de maintenance correcte, et aujourd’hui sont menacés de ruine. Voilà un ensemble d’activités que nous allons financer, en plus de l’accompagnement classique, en termes de renforcement de capacités, de réformes sectorielles que le projet va développer.
Entretien réalisé par Mathias Kouamé