Industrie des fleurs/véritable source de revenu et d’emplois : Dans l’antre de la principale zone de production à Azaguié
L’horticulture semble être un business peu connu. Il est pourtant à la fois rentable et pourvoyeur d’emplois. Au moment où se célèbre la Saint Valentin, fête de l’amour, moment au cours duquel la fleur reste pour beaucoup le symbole de l’amour, cap sur Azaguié pour faire (re) découvrir l’univers de ces plantes
Cette localité, à une trentaine de kilomètres d’Abidjan, aux côtés d’autres comme Bingerville et de Bonoua, fait figure de leader dans le domaine de la culture des fleurs. Dans le domaine de Zango Hamidou, la cinquantaine environ dont une bonne trentaine consacrée à sa passion depuis sa tendre enfance : la culture, la récolte et la vente de différentes variétés de fleurs, principalement, à Abidjan et en Europe.
Un business plus que rentable
Il doit son aura au fait qu’il a côtoyé une entreprise européenne dont le responsable, avant de rentrer définitivement, l’a mis en contact avec ses clients dont un, particulièrement, en Hollande. Après, tout est question d’organisation. Au nombre de ses stratégies, sa présence quasi permanente sur les réseaux sociaux. La mise sur pied d’un centre de conditionnement (usine) qui lui permet d’employer une trentaine de jeunes. Lorsque les fleurs y arrivent, on les sélectionne, les taille en fonction de la demande du client et des cartons d’emballage. Il y a par la suite un autre groupe, essentiellement des femmes, qui fait le lavage et le nettoyage en retirant tout ce qui est saleté c’est-à-dire la poussière, la boue et les insectes, avec de l’eau propre. Après, la phase de séchage, puis la confection des bouquets et l’emballage ou la mise en carton. Précisons que toutes ces personnes qui travaillent sont aussi des planteurs qui livrent également à l’usine. Par ailleurs, une cinquantaine d’autres planteurs sont aussi des fournisseurs du jeune planteur. Résultat, ce sont aujourd’hui plus de 2.000 tonnes de fleurs de différentes variétés dont les Bihais, beaucoup demandés en Europe, qui sont exportées, après la certification des services phytosanitaires de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, grâce à ses fournisseurs mais aussi à lui-même ses parcelles. Il en possède 3 dont 1 ha de Tropiques ; 4 ha de feuillages (Sandriana, Compacta, Pandanus, Cordyline, Barbu, Palmier Areca, Waschintonia, Raphia Fleur) et 2 ha de grandes fleurs (Pandulas, Bihai, Tropic, Alpinia). Il reconnait que les fleurs lui ont notamment permis de se marier, d’avoir des enfants qu’il scolarise « correctement », de s’offrir une fourgonnette pour les écoulements, qui sont soutenus parfois des gros porteurs qui sont loués. Par ailleurs et pour l’anecdote, l’agriculteur souligne, avec insistance, avoir reconnu à maintes reprises le fruit de ses labeurs au palais présidentielle, à la faveur de cérémonies auxquelles prend part le locataire des lieux : le président de la République.
La fête des amoureux, une aubaine parmi tant d’autres
La Saint-Valentin, nous y sommes. S’il est vrai que la fête des mères, la Toussaint et bien d’autres célébrations ont la fleur comme dénominateur commun, il apparait évident que toutes les actions menées ces jours-ci dans l’exploitation de Zongo Hamidou sont principalement en lien avec la fête de la Saint Valentin 2023. C’est d’ailleurs ce pourquoi l’accent est plus mis sur les Roses rouges ; les Roses porcelaines rouges ; les Major rouges ; les Oiseaux du paradis Rouge ; les Alpinias Rouges dont la demande « explose » en ce jour consacré à la célébration de l’amour. Une occasion de faire de bonnes affaires que le jeune opérateur économique ne veut légitimement pas rater. Il entend exporter au cours de ladite période 2,5 tonnes de fleurs vers la Hollande et 1500 fleurs rouges et feuillages sur le marché local d’Abidjan. Des chiffres qui sont loin devant ceux de 2022 où il a réalisé, au cours de la même période, 1 tonne de production à cause de la crise sanitaire et de ses conséquences. A côté de la catégorie de fleurs citées ci-dessus, l’agriculteur a fait cas des fleurs blanches, de l’Arome blanc et des Marguerites, tout aussi prisées en ce moment.
Tout n’est pas aussi rose
En dépit de ce tableau bien flatteur renforcé par de nombreux acteurs qui ont fleuri tout autour de grands axes routiers à Abidjan (Carrefour la Vie, en provenance notamment des II Plateaux et de Bingerville ; la voie du Golfe, entre le carrefour Sol Béni et l’hôtel du Golfe; le bd Mitterrand, peu avant la Cité Feh Kessé, en direction de Bingerville ; l’entame de la bretelle menant au pont du lycée technique et au carrefour la Vie, en provenance de l’autoroute Plateau-Adjamé), les horticulteurs doivent faire face à des difficultés, et non des moindres qui ne datent surtout pas d’aujourd’hui. En effet, comme signe de vitalité du secteur, avant la crise militaro politique de septembre 2002, la région comptait autour de 500 planteurs de fleurs, sans compter la dizaine d’entreprises d’expatriés basées sur place qui avaient leur périmètre cultural qu’elles exploitaient avant d’exporter la marchandise. Aujourd’hui, les planteurs de la région ne valent pas 200, en termes de nombre, a-t-on appris. Plus grave, la crise de 2010-2011 a constitué la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les entreprises européennes (françaises, allemandes, hollandaises) ont définitivement plié bagages, laissant un vide. Autres difficultés, c’est la disponibilité des portions de terre qui sont généralement sous location. Les planteurs sont souvent sous la pression des propriétaires terriens qui, souvent, réclament leurs patrimoines pour l’utiliser à d’autres fins. Généralement, c’est pour y bâtir des logis. « On n’a pas les moyens d’en acheter. On les loue chaque année, renouvelable. Or les variétés de fleurs ne réussissent pas forcément partout, sauf généralement dans les bas-fonds », a déploré Hamidou. Par ailleurs, les difficultés d’écoulement des fleurs ont été mises en exergue par notre interlocuteur. Il faut avoir la clientèle pour pouvoir écouler la marchandise. « Sur les réseaux sociaux, les quelques clients fixent leurs prix. On ne peut pas discuter face à face. Face à ces difficultés, Hamidou plaide pour un encadrement, « à l’image de ce qui se fait notamment dans les filières café-cacao et hévéa ».
Mathias Kouamé