Intrants locaux dans les produits de grande consommation / Lucie Gbakayoro (Présidente PFSV-CI) : « La signature d’un partenariat rendra le projet faisable »
La Côte d’Ivoire dispose d’une panoplie de matières premières pouvant, selon des études, valablement se substituer aux intrants importés pour réaliser des produits de grande consommation. Mais les choses tardent à prendre forme. Occasion pour la présidente de la Plateforme des femmes du secteur du vivrier de Côte d’Ivoire (PFSV-CI), Lucie Gbakayoro, d’appeler à la signature d’un partenariat, et rendre possible cette nouvelle donne
En plus de votre casquette de présidente de la filière agricole de la Confédération du patronat de la plateforme unique des PME (CPU PME-CI), vous êtes également, et surtout présidente de la PFSV-CI. Ce sujet n’est peut-être pas nouveau, mais dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie, il est de plus en plus question de l’utilisation d’intrants locaux pour la fabrication de certains produits comme le pain. Qu’en pensez-vous ?
C’est une bonne chose. D’ailleurs, c’est comme si on enfonçait une porte qui était presque ouverte
C’est-à-dire dire ?
Parce que, nous, il y a longtemps, on courait après les boulangers afin qu’ils prennent la farine que nous produisons. A mon niveau, en tout cas, il n’y a pas eu de preneurs. Honnêtement, cela fait qu’on a un peu baissé les bras. Mais si aujourd’hui, ils veulent effectivement se tourner vers nous, c’est avec grande joie que nous accueillons la nouvelle. Nous sommes prêtes. L’organisation que je représente est présente sur toute l’étendue du territoire national.
Si on s’en tient particulièrement aux boulangers et pâtissiers, leur patronat a émis quelques craintes concernant l’introduction d’intrants locaux comme éléments de base dans ce qu’ils vendent. La première est la disponibilité en quantité, en qualité, de façon permanente, de ces intrants ?
Nous pensons qu’ils n’ont pas du tout à s’inquiéter. Si on s’assoit, et qu’on signe un partenariat solide, sûr et vrai, on pourra livrer la farine de manioc, et même celle à base de maïs. Nos producteurs vont produire en conséquence. Parce qu’à notre niveau, spécifiquement, nous avons les maillons de la production, transformation et commercialisation. En tout cas, on ne sera pas en rupture de matières premières. Puisque, je vous ai dit un peu plus haut, que nous sommes représentés dans toutes les régions du pays.
Autre crainte formulée par ces opérateurs économiques, c’est que dans l’état actuel des choses, le coût des intrants locaux est beaucoup plus élevé que ceux venant de l’extérieur…
C’est normal. Les coûts sont élevés parce qu’on produit en faible quantité. Par exemple, si tu produits 10 kilos/jour, cela revient cher par rapport à celui qui fait 10 tonnes/jour. C’est différent. Vraiment, si on signe le partenariat comme je l’ai dit, on va faire les champs, et la transformation en conséquence. Et les choses seront en quantité avec les répercussions sur le coût d’achat au final.
Autre chose, c’est le fait que la population accepte qu’en dépit de l’utilisation de nouveaux intrants, fussent-ils locaux, ils sont aussi meilleurs ?
Nous sommes prêts à prendre part à des séances de sensibilisation dans ce sens. On était tout petit, lorsque dans les villages, c’est avec la farine de manioc que les gens faisaient le pain. Et on pouvait conserver ce pain pendant une semaine. Et c’était toujours bon. La consommation des produits locaux va apporter la richesse à la population.
Vous apportez des assurances, mais est ce qu’on peut avoir une idée de la hauteur de votre contribution en chiffres ?
Cela dépend des boulangers-pâtissiers. S’ils expriment exactement leurs besoins, c’est à partir de là que nous ferons nos exploitations dans toute la Côte d’Ivoire pour évaluer notre contribution. Et on mettra des unités de production en place pour commencer à travailler. Il n’y a pas de souci en cela. Sinon actuellement nous vendons la farine de manioc, du placali, du Ko n’godé…
On s’est peut-être focalisé sur le secteur des boulangers. Mais pouvons-nous avoir l’assurance qu’à travers vos produits semi-finis ou finis, on peut obtenir des produits de grande consommation ?
Oui, bien sûr. Avec le maïs, par exemple, il y a des usines qui s’installent actuellement en Côte d’Ivoire pour faire la bière et autres choses dont le carburant. On a tellement de choses à faire. C’est pourquoi, nous demandons qu’un partenariat soit signé. Nous saisissons l’opportunité pour plaider auprès des autorités afin qu’elles nous aident dans ce sens.
Entretien réalisé par Mathias Kouamé