Burkina : La junte dit « contrôler la situation » et appelle à cesser les violences contre la France
Des manifestants devant l’ambassade de France à Ouagadougou ont été dispersés, dimanche, par des tirs de gaz lacrymogène, deux jours après un coup d’État qui a chassé du pouvoir le colonel Damiba. Le chef des putschistes, le capitaine Ibrahim Traoré, a déclaré que la situation au Burkina Faso était sous contrôle et appelé à éviter « tout acte de violence » visant la France.
La confusion continue de régner au Burkina Faso. Des grenades de gaz lacrymogène ont été tirées, dimanche 2 octobre, de l’intérieur de l’ambassade de France à Ouagadougou pour disperser des manifestants soutenant le putschiste autoproclamé Ibrahim Traoré, qui a chassé du pouvoir le colonel Paul-Henri Damiba, lui-même arrivé au pouvoir en janvier par un coup de force.
Quelques dizaines de manifestants s’étaient rassemblés devant l’ambassade, mettant le feu à des barrières de protection et jetant des pierres à l’intérieur du bâtiment, sur le toit duquel étaient positionnés des soldats français, quand les gaz ont été tirés.
D’autres manifestants ont également été vus par le journaliste de l’AFP arracher des barbelés pour tenter d’escalader le mur d’enceinte du bâtiment diplomatique.
Dans ce contexte, le capitaine Ibrahim Traoré a appelé à cesser les actes « de violence et de vandalisme » contre la France, dans un communiqué lu à la télévision nationale.
« Les choses sont en train de rentrer progressivement dans l’ordre, nous vous invitons donc à vaquer librement à vos occupations et à vous départir de tout acte de violence et de vandalisme (…) notamment ceux qui pourraient être perpétrés contre l’ambassade de la France ou la base militaire française » de Ouagadougou, indique ce communiqué lu par le capitaine Farouk Azaria Sorgho, avec, à ses côtés, le capitaine Traoré.
Le Quai d’Orsay déplore « des dommages importants » à l’Institut Français de Ouagadougou
Samedi en fin d’après-midi, deux institutions françaises avaient été prises pour cible par des manifestants : un incendie s’était déjà déclaré devant l’ambassade de France à Ouagadougou et un autre devant l’Institut français à Bobo-Dioulasso.
L’Institut français de Ouagadougou a également été attaqué, samedi, par des manifestants hostiles à la France. « L’Institut Français de Ouagadougou a subi des dommages importants, c’est d’autant plus regrettable qu’il s’agissait d’un des principaux centres culturels de la ville, qui abritait la Bibliothèque Georges Méliès, qui était très fréquentée des Burkinabè », a déploré, dimanche, le ministère des Affaires étrangères.
« Des atteintes graves à la sécurité de nos emprises diplomatiques ont eu lieu hier soir à Ouagadougou, s’agissant de l’Ambassade mais également de l’Institut français, ainsi qu’à Bobo-Dioulasso où l’Institut a été vandalisé », a ajouté le Quai d’Orsay, condamnant « avec la plus grande fermeté les violences contre nos emprises diplomatiques au Burkina Faso ».
Ces attaques « sont le fait de manifestants hostiles, manipulés par une campagne de désinformation à notre encontre », a déclaré sa porte-parole, Anne-Claire Legendre, en « appelant les parties prenantes à assurer la sécurité » des bâtiments diplomatiques.
Ibrahim Traoré fait marche arrière
Des informations faisant état sur les réseaux sociaux d’une protection accordée par la France au lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, chef de la junte destitué vendredi, ont participé à attiser la colère des manifestants pro-Traoré.
Sur l’antenne de France 24, Anne-Claire Legendre a assuré que « Paul-Henri Damiba n’avait jamais été accueilli » sur la base militaire française de Ouagadougou ou dans son ambassade.
Alors que les militaires putschistes ont également accusé la France de vouloir aider le lieutenant-colonel Damiba à préparer une contre-offensive pour se rétablir au pouvoir, Ibrahim Traoré, le nouvel homme fort du pays, avait semblé faire marche arrière samedi, ajoutant un peu plus à la confusion ambiante. « Une contre-offensive, oui. Soutenue par la France, je ne pense pas », avait-il affirmé en direct sur France 24.
« Je sais que la France ne peut pas s’ingérer directement dans nos affaires. Si on a d’autres partenaires aujourd’hui, qui peuvent nous soutenir, ne voyez pas forcément la Russie », avait-t-il poursuivi.
L’influence de Moscou ne cesse de croître dans plusieurs pays d’Afrique francophone ces dernières années, particulièrement au Mali et en Centrafrique.
Dimanche, des manifestants se sont également rassemblés près du siège de la télévision nationale du Burkina Faso autour duquel le dispositif de blindés, en place depuis vendredi, a été allégé, avec trois véhicules, au lieu d’une vingtaine.
Des rassemblements ont eu lieu pendant la nuit de samedi à dimanche sur plusieurs grands axes de la capitale burkinabé, survolée toute la nuit par un hélicoptère militaire.
Couvre-feu levé
Depuis l’annonce, vendredi soir, de la destitution du chef de la junte militaire du Burkina, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba – lui-même arrivé au pouvoir par un coup d’État en janvier -, la tension persiste à Ouagadougou.
En dépit des tensions, les militaires ont indiqué dans un communiqué lu dimanche à la télévision nationale que le couvre-feu instauré vendredi de 21 h à 05 h (locales et GMT) avait été levé.
Les frontières restent pour l’instant fermées.
Le communiqué annonce également la convocation, dimanche après-midi, « des secrétaires généraux des départements ministériels chargés de l’expédition des affaires courantes ».
Le colonel Damiba a clairement fait savoir qu’il n’entendait pas abdiquer, appelant les nouveaux putschistes « à revenir à la raison pour éviter une guerre fratricide dont le Burkina Faso n’a pas besoin dans ce contexte ». Il a également démenti s’être réfugié au camp militaire de Komboinsin à Ouagadougou.
Paul-Henri Damiba était arrivé au pouvoir en janvier par un coup d’État qui avait renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, discrédité par la hausse des violences jihadistes.
Mais ces derniers mois, des attaques frappant des dizaines de civils et de soldats se sont multipliées dans le nord et l’est du Burkina Faso, où des villes sont désormais soumises à un blocus des jihadistes.
Depuis 2015, les attaques régulières de mouvements armés affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique (EI) ont fait des milliers de morts et provoqué le déplacement de quelque deux millions de personnes.
France 24