Interview/ Adama Diawara, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique : “Voici les voies de solutions qui s’offrent aux docteurs non recrutés”
- 152 postes seront mis en concours en octobre 2022”
M. Adama Diawara, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, était l’invité du JT de 13 heures de la Rti1 du dimanche 31 juillet 2022. Il a tenu à faire toute la lumière sur la situation des docteurs non recrutés.
Monsieur le ministre quel est le nombre exact de Dr non recrutés ?
Il y a beaucoup de chiffres qu’on retrouve dans la presse, ça et là. En réalité ces chiffres sont faux. Au début, le chiffre de 3000 docteurs était avancé. Pour éviter tout polémique, j’ai demandé aux docteurs non recrutés de procéder à leur propre dénombrement. Lorsqu’ils ont fini de le faire, ils ont trouvé en tout et pour tout 1463. Ça c’était en décembre 2021. C’est vrai que le nombre de docteurs non recrutés, c’est un nombre qui est dynamique. Puisque pratiquement tous les mois, on a un certain nombre de nouveaux docteurs qui soutiennent leur thèse. Au dernier concours de juin 2022, on avait en tout et pour tout, 1919 docteurs. Mais attention, quand on dit 1919, il y a du tout dedans. Il y a des titulaires de doctorat troisième cycle, de doctorat d’État, de doctorat thèse unique, de PhD, et même de diplôme d’expert et des ingénieurs de conception. Au terme du processus de recrutement 2022, parce qu’on a 660 postes. Lorsqu’on aura fini de recruter ces 660 docteurs, il va nous laisser 1259.
On a combien de docteur par an en Côte d’Ivoire ?
Le chiffre est évolutif d’une année à l’autre. Je donne quelques chiffres pour vous édifier là-dessus. Si je prends par exemple l’université Alassane Ouattara, le dernier chiffre que j’ai, c’est 190 thèses uniques qui sont soutenues et 70 thèses d’exercice en médecine. Cela dit entre le dernier concours d’octobre 2021 et le tout dernier de juin 2022, nous sommes passes de 1463, si je prends le chiffre des docteurs non recrutés eux même, à 1919. Ce qui fait un écart de 466, toutes les universités confondues.
Combien d’entre eux sont recrutés chaque année à la fonction publique ?
C’est la qu’il fait tirer chapeau au Président de la République, Alassane Ouattara. Pour édifier les uns et les autres, par exemple en 2006-2007, bien avant l’arrivée du Président Alassane Ouattara au pouvoir, on avait un chiffre de 167 recrutés. C’était le taux le plus élevé sous le régime précédent. Mais avec l’arrivée du Président Alassane Ouattara au pouvoir, de façon moyenne, on a entre 400 et 450 recrutement nouveau auquel il faut ajouter en moyenne, 150 glissement catégoriel. Ce qui nous amène à 550 à 600. En 2021, il y a eu 610 postes. Et en 2022, il y a eu 660 postes. Nous battons le record. Parce qu’il y a des pays de référence en Afrique de l’ouest qui ne recrutent qu’entre 100 à 150 docteurs chaque année. La Côte d’Ivoire bat absolument le record.
Qu’est ce qu’il faut attendre par glissement catégoriel ?
Les recrutements nouveaux, ce sont les nouveaux docteurs qui ont l’âge d’intégrer la fonction publique. Je signale que l’âge maximum pour passer le concours d’assistant, c’est 45 ans. Eux ils rentrent par recrutement nouveau. Maintenant vous avez qui ont dépassé l’âge de rentrer à la fonction publique. Eux, on leur réserve des contrats. Ensuite vous avez des fonctionnaires qui sont déjà en activité et qui ont des numéros matricules, qui entre temps ont eu un doctorat, et qui aspire à devenir assistant, assistant chef de clinique ou attaché de recherche. C’est en ce moment qu’on parle de glissement catégoriel.
Est-ce que le ministère a pour obligation de recruter tous ceux qui sortent docteurs ?
Absolument pas. Dans aucun pays du monde cela existe. L’État a le droit de former les citoyens. Mais dire que le gouvernement est obligé de recruter tous ceux qui sont formés, et encore à la fonction publique, je crois que c’est un leurre.
Qu’est ce qui explique l’explosion du nombre de docteurs non recrutés ?
L’explosion est dûe à deux choses. La première, c’est qu’il y a une mauvaise compréhension du système, Licence, Master doctorat. Au début de l’application du Lmd, on a pensé que les nouveaux bacheliers qui entre en licence 1, doivent terminer en licence 3, continuer en master 1, sortir du Master 2, intégrer le doctorat 1 et finir en doctorat 3. Comme si on avait ce que les mathématiciens appellent un cylindre. Je suis désolé. C’est conique et non cylindre. C’est-à-dire que ceux qui entrent en licence 1, ils doivent arriver en licence3. Parce que la licence 1 et licence 2 ne sont pas des diplômes. Donc il faut qu’ils arrivent en licence pour obtenir la Licence. Ensuite pour passer de la Licence3 au master 1, ça sera par voie de texte compte tenu des capacités d’accueil et d’encadrement des universités. De la même façon, celui qui a un master 2 pour passer en doctorat, ça sera sur texte compte tenu delà capacité d’accueil et d’encadrement.
Parmi les docteurs, quels sont ceux qui ont le plus de chance d’être recrutés ?
Ce sont les mathématiciens, les physiciens, les informaticiens. Je vous donne un exemple. Le dernier concours, il y avait 13 candidats en mathématiques. Sur les 13, on a recruté 12. Le 13e n’a pas été recruté parque c’est un ingénieur. Sinon il aurait été recruté. On a un déficit criard d’enseignants en mathématiques.
Quelle possibilité d’emploi pour ceux qui n’intègrent pas la fonction publique ?
Il faut que ce soit clair dans la tête des uns et des autres. Ce n’est pas parce qu’on a un diplôme qu’on doit intégrer directement la fonction publique. Que nos docteurs sachent que tout le monde ne peut pas être fonctionnaires. Il y a d’autres possibilités d’emploi qui s’offrent à eux. Ils peuvent passer le concours d’entrée à l’Ecole normal supérieur (ENS). A partir de là comme ils sont docteurs, ils peuvent devenir assistants ou attaché de recherche via glissement catégoriel. Ils peuvent intégrer la fonction publique soit en passant le concours de l’Ena, soit un concours direct d’accès à la fonction publique et s’ils veulent venir à l’enseignement supérieur, de la, ils peuvent faire le glissement catégoriel après. Il y a la possibilité d’enseigner dans les universités privées ou une grande école privée et après aller passer le concours pour rentrer. Il y a aussi la possibilité d’être recrutés dans une entreprise privée nationale ou internationale qui ont des laboratoires de recherche. Il y a aussi l’auto-emploi.
On parle de 508 sur 660 docteurs recrutés en juin 2022 ?
C’est aussi simple que cela. Avant le concours, j’avais reçu tous les docteurs non-recrutés, il y a 660 postes. Mais nous allons ouvrir 610 postes pour la bonne raison que les 50 postes on va les laisser pour un concours ultérieur pour l’université de Bondoukou qui doit s’ouvrir bientôt. Alors les 610 postes qui ont été mis en jeu, il se trouve qu’il y a 102 postes non pourvus parce que les universités ont estimé que les personnes qui les ont présentées, ne correspondent pas aux spécialités dont ils avaient besoin. Evidemment, il faut faire attention, ce n’est pas parce qu’il y a un poste ouvert qu’il faut forcement prendre quelqu’un. Donc les 102 postes ajoutés au 50 postes qui ont été réservées à Université de Bondoukou, cela fait 152 postes que nous allons mettre en concours en octobre 2022 en attendant le concours de mars 2023. On a déjà 422 postes pour les recrutements nouveaux et les contrats auxquels vont s’ajouter probablement environ 200 glissements catégoriels.
Le problème de l’emploi en Côte d’Ivoire, si les docteurs eux même se ‘’ cherchent’’ quand sera –t-il des Bts et licences ?
Vous savez, l’un des défis majeurs qui se pose aujourd’hui à notre enseignement supérieur est l’adéquation formation emploi. Nous allons quitter les écoles classiques vers les écoles doctorales. Cette école aura trois caractéristiques. La première caractéristique, c’est la mutualisation des infrastructures, des équipements et du corps enseignant. La deuxième, c’est la pertinence. Faire en sorte que les thématiques de recherche qui sont développées dans les écoles doctorales répondent à des besoins en thème de développement du pays. Et la troisième caractéristique, c’est l’adéquation formation-emploi qui au double niveau quantitative et qualitative qui fera que le nombre de doctorants qui entre dans une école doctorante donnée sera fonction des possibilités. Si on ne fait pas cela, on va se retrouver avec cette inadéquation terrible entre la formation et l’emploi qui gênerait les problèmes qui sont connus le désajustement et le déclassement de nos diplômés.
Retranscrit sur Rti1 par Abdel-Habib Dagnogo