Prix du sable de construction / Yao Soulemane Ouattara (SGA du SYNECASCI) : « La fermeture des carrières de sable est un danger pour l’économie »
Le Secrétaire général adjoint du Syndicat national des exploitants de carrières de sable et de graviers roulés de Côte d’Ivoire (SYNECASCI), Yao Soulemane Ouattara, revient, dans un entretien qu’il nous a accordé, sur la COP 15. Il a aussi abordé les défis et difficultés du secteur marqués par un retour, il y a un mois, au prix homologué depuis plus de 10 ans.
La Côte d’Ivoire a abrité, du 9 au 20 mai, la COP 15 contre la sécheresse et la désertification, qui a vu la participation de 5000 délégués et 1000 experts. Vous, acteurs des carrières de sable, que représente pour vous un tel évènement ?
Nous, en tant qu’acteurs dans le domaine de carrière de sable, notre activité se mène principalement sur le plan d’eau lagunaire, et aussi sur la terre ferme, avec des coordonnées géographiques bien définies. Le système que nous employons, c’est que sur la terre ferme, on stocke le sable qu’on extrait de la lagune. Et ce sable ne subit aucun traitement particulier, c’est-à-dire que de la manière dont le sable se trouve de façon native dans la lagune, la drague, machine qui permet de l’extraire et de le refouler hors de la lagune le fait directement à travers une conduite flottante. Et cela, sans produit chimique pouvant dénaturer la composition du sable. C’est donc du sable brut qui ne subit pas de transformation.
Mais, à tort ou à raison, vous êtes accusés de contribuer directement ou indirectement, de par vos actions, au phénomène de dérèglement climatique. Qu’en dites-vous ?
Dès l’instant où l’arrêté d’exploitation a été donné, cela veut dire que toutes les mesures concernant la préservation de l’environnement ont été prises en compte. Au nombre de celles-ci, après plusieurs années d’exploitation du site (carrière), nous le restaurons, surtout la berge, telle que nous l’avons trouvée. Seulement, puisque la zone est bien délimitée avec des coordonnées géographiques bien précises, et les espèces animales qui y vivent, il y a un peu de désagrément. Fort heureusement, c’est une zone bien définie. Toute chose qui est prise en compte dans l’Etude d’impact environnementale et sociale ou EIES. C’est une étude réalisée par un cabinet agréé par l’Etat de Côte d’Ivoire. Il faut ajouter qu’il y a plusieurs autres ministères (Hydraulique ; Environnement ; Eaux et forêts ; Transports ; Affaires maritimes et portuaires ; Infrastructures Economiques ; Équipement et Entretien routier ; Salubrité etc.) qui siègent d’abord, avant que nous puissions avoir une autorisation d’exploitation valable pour 4 ans renouvelable. Puis, on a des restrictions sur des profondeurs, entre 10 et 20m à respecter, et ce, pour éviter des risques de contamination de la nappe phréatique.
Dans toute corporation, il se trouve, malheureusement, des brebis galeuses. La vôtre n’y échappe d’ailleurs pas, avec le remblayage anarchique de berges…
Je vais vous faire des précisions. Il y a le mot « dragage » que les gens doivent comprendre, et qui consiste à extraire du sable dans un plan d’eau soit en lagune, en mer, lacs, barrage etc. Nous, en tant qu’acteurs du domaine, on fait le dragage qui consiste à extraire le sable de lagune, je dis bien sable de lagune, et à le vendre. Mais, il y a aussi le dragage qui consiste à extraire du sable sur le plan d’eau lagunaire pour faire un remblayage hydraulique, soit sur les surfaces de terrains marécageux, soit en eau profonde afin d’avoir des superficies de terrains pour divers usages. Entendez par remblayage en eau profonde, celui qui consiste à remblayer une profondeur de 0 à plus de 20m dans la lagune, pour en rehausser le niveau. Les gens le font afin d’avoir des terrains pour réaliser des lotissements, donc pour gagner de l’espace sur la lagune. Ce que nous ne faisons pas. Dans le secteur des carrières d’exploitation et de vente de sable, on extrait le sable et on le vend. C’est comme cela les carrières de sable fonctionnent, contrairement au remblayage. Ceux qui s’adonnent à cette pratique, ce sont soit des individus, des privés, des entreprises qui le font pour leur propre besoin. Ils ne sont pas affiliés à notre corporation. En dehors du remblayage hydraulique qui se fait à l’aide d’une drague, il y a un autre type de remblayage qui se fait à l’aide des camions bennes qui transportent d’un point A à un point B du sable, du gravat, de la terre rouge ou graveleuse etc.
Que font les acteurs de carrières de vente de sable pour éviter le remblayage
La première solution, le remblayage à petite échelle de façon périodique, soit 3 ou 4 ou 6 mois d’activité (exploitation). A l’aide d’engins, nous excavons ce sable pour le remettre dans la digue. La seconde, on envoie la drague à proximité de ce sable dit de refoulement, afin de l’aspirer à nouveau pour le remettre dans la digue, prêt à être commercialisé. La troisième consiste à avoir suffisamment d’espace, de sorte que la sortie d’eau de refoulement soit un peu plus loin de la berge lagunaire, mais ne garantit pas forcement à éviter à 100% ce remblai quasi nul. Toute cette troisième solution ralentit considérablement le retour du sable extrait dans la lagune. Ce sont là, les dispositions pour ne pas faire de remblayage au niveau des carrières de sable. Le remblayage, en tant que tel, chez nous, est formellement interdit.
Il y a donc à craindre…
Je voudrais juste vous faire noter que bien avant les travaux de la COP 15, tout ce qui concerne le dragage au niveau du district d’Abidjan a été arrêté. La cause principale, ce sont les remblayages anarchiques, selon le communiqué du gouvernement du 23 février 2022 relatif à la gestion des remblais et des opérations de dragage sur la lagune, dans le district d’Abidjan. Le gouvernement a décidé de fermer toutes les carrières de sable et les sites de remblayage, afin de voir ceux qui ont les autorisations et ceux qui n’en disposent pas, avant une quelconque reprise. Une mesure qui s’appliquait aussi bien à ceux qui font la vente de sable qu’à ceux qui font les remblayages. En ce qui concerne les remblayages, ils sont fermés jusqu’à nouvel ordre. Pour ce qui est des carrières de sable, le gouvernement a permis que les activités reprennent après plusieurs séances de travail entre le ministère des Mines, du Pétrole et de l’Energie, le ministère des Transports et le SYNECASCI.
Pour ce qui concerne les carrières de sable, quelles ont été les conséquences du bref arrêt des activités ?
La fermeture des carrières de sable est un danger pour l’économie ivoirienne. Parce qu’une fois les carrières de sable sont fermées, c’est toute une chaîne qui est bloquée. Tout le BTP est bloqué, les sociétés de cimenterie, les sociétés de gravier, les sociétés de béton, les entreprises de construction, les activités des entrepreneurs dans le bâtiment et autres, les maçons, les menuisiers, le secteur du transport, les sociétés de quincaillerie, même le simple vendeur de pointes et autres ne travaillent plus. Cela crée un ralentissement au niveau de l’économie. L’arrêt de trois semaines au mois de mai a fait qu’un voyage de sable d’un camion standard (10 roues), livré sur un chantier, est passé de 70-80 mille à 400 voire 550 mille francs, du fait de sa rareté. Avec l’ouverture des carrières de sable, tout est revenu à la normale.
Entretien réalisé par Mathias Kouamé