Edito/Léguer la paix maintenant et pour demain
Dans un article publié par notre confrère « Jeune Afrique », la semaine dernière, Il est fait état de la volonté du Président de la République, Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara de prendre langue avec ses prédécesseurs Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. De prime abord, l’on est séduit par cette démarche qui permet, toujours, de faire baisser la tension. Mieux, de créer une sorte de cohésion nationale. Seulement, les Ivoiriens et les Ivoiriennes sont habitués à ce genre de rencontres. Combien de rencontres au sommet n’ont-elles pas été organisées entre ces trois principaux acteurs pour maintenir la paix ? De nombreuses fois. Et cela n’a pas empêché la Côte d’Ivoire de sombrer et d’être au bord du précipice. La faute à la politique politicienne pratiquée par chaque acteur. Les petits et mesquins calculs prennent le dessus sur la volonté de bien faire pour aller de l’avant. Et ce sont les alliances et mésalliances qui font le plus de tort, à la Côte d’Ivoire.
Depuis 1990 que Konan Bédié, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo sont au devant de la scène politique, leur fort aura, a déteint et dépeint sur chacun de leur militant. C’est comme par un unanimisme moutonnier que leurs militants suivent et mettent en pratique leurs différents mots d’ordre. Les violences et tensions qui ont émaillé la décennie 1990 avaient pour seul but de mettre à mal le pouvoir PDCI incarné par Henri Konan Bédié. Et au final, Konan Bédié a été déchu du pouvoir, le 24 Décembre 1999.A la grande joie des militants du Front Populaire Ivoirien (Fpi) et du Rassemblement des Républicains (Rdr) qui faisaient bloc au sein de ce qui leur restait du Front Républicain fondé par Laurent Gbagbo et Djeni Kobena.
Quand le FPI accède au pouvoir, toute la décennie 2000 est marquée par une absence de paix. Le pays est coupé en deux (2) et un conflit militaro –politique plombe la Côte d’Ivoire. Dans la foulée, une autre alliance a vu le jour. Il s’agit du rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (Rhdp) réunissant le Pdci , le RDR , le Mfa et l’Udpci. Naturellement, les partis phares sont le PDCI de Konan Bédié et le RDR d’Alassane Ouattara. La création de blocs a fini, là encore, par renforcer les certitudes dans chaque camp et aboutir à la guerre. Après une décennie de paix et d’accalmie, une autre alliance faisant suite à une autre mésalliance voit le jour. Le Pdci de Konan Bédié et le Ppa-ci de Laurent Gbagbo s’acoquinent, dans la perspective des élections de 2023 et 2025. Et rien ne dit que l’orage soit passé et que la Côte d’Ivoire est à l’abri d’autres remous. Surtout que les mêmes causes produisent les mêmes effets. La rencontre qui se profile à l’horizon, si elle a lieu doit être un moment pour les « trois grands » de regarder la Côte d’Ivoire en face et lui léguer la paix, la stabilité et la démocratie.
Il est temps, après trente (30) années voire quarante (40) de présence continue sur la scène politique qu’ils sachent mettre la Côte d’Ivoire au dessus de leurs intérêts individuel et collectif. La dizaine d’années de paix et d’accalmie a permis à la Côte d’Ivoire, sous le magistère d’Alassane Ouattara, de faire des bonds en avant. Il faut tout mettre en œuvre pour que la Côte d’Ivoire relève les défis nouveaux qui se présentent à elle, dans un contexte de mondialisation et de compétition soutenue. Faire réveiller les vieux démons au lieu de renforcer la démocratie et mettre la Côte d’Ivoire en priorité sera une erreur fatale. Il faut qu’Alassane Ouattara, Konan Bédié et Laurent Gbagbo offrent la paix aux Ivoiriens et déblaient les chemins pour les rendre lumineux aux générations présentes et futures. Faute de quoi, sur de longues générations, ils seront perçus comme des leaders qui ont donné beaucoup trop de coups à la Côte d’Ivoire. L’initiative d’Alassane Ouattara est bonne. Pourvu que Bédié et Gbagbo en saisissent la profondeur et la plénitude du sens pour « libérer » la Côte d’Ivoire de bien de peurs, d’incertitudes et de craintes.
Vincent BOTY