La Subventions des prix de produits alimentaires coûte « 600 milliards FCFA à la Côte d’Ivoire », selon le ministre Adama Coulibaly
Le ministre ivoirien de l’Economie et des finances, Adama Coulibaly, a indiqué, dans un entretien accordé à Radio France internationale (Rfi), mardi 24 mai 2022, que la politique de subvention et de plafonnement des prix des produits alimentaires est financée sur le déficit budgétaire. Ce qui constitue en termes de perte de recettes environ 400 milliards FCFA et en termes de dépenses et de soutien aux structures et filières agricoles près de 200 milliards FCFA.
Rfi : La Côte d’Ivoire, comme tous les pays, a été impactée par la guerre en Ukraine et la poussée inflationniste mondiale. Est-ce que votre pays a pu surmonter cette crise et s oui, à quel prix ?
Adama Coulibaly, Ministre de l’Economie et des finances : Ecoutez, on n’a pas encore vu toutes les implications de cette crise puisque la crise continue. Nous percevons l’impact de cette crise à trois niveaux. Il y a une augmentation des prix des produits alimentaires. Sur l’énergie également, on sent une augmentation et on sent, troisième élément, qu’en fait les coûts de financement, en tout cas avec la hausse des taux d’intérêts sur les marchés internationaux, le coût de financement de nos économies augmente. Voilà les trois niveaux.
Est-ce que vous allez prolonger les mesures de contrôle des prix ?
Nous avons pris les mesures de plafonnement des prix. On parle du riz, de l’huile, du lait et du sucre. On parle également du bœuf, de la tomate et bien d’autres… Donc 07 produits de grande consommation dont les prix ont été plafonnés. Les mesures de plafonnement, je dois le dire, c’est temporaire. C’est une mesure qui a été prise pour trois mois qui sera probablement renouvelée. Et pour ce qui est du pain, je dois vous le dire, nous sommes en train de développer une politique de substitution, en fait, du blé par certaines farines locales.
Est-ce que vous pouvez garantir aujourd’hui que l’approvisionnement de la Côte d’Ivoire est assuré ? Et si oui, dans quel pays achetez-vous aujourd’hui vos céréales ?
Pour le blé, nous dépendons de l’Ukraine par ce que 20% de nos importations de blé proviennent de l’Ukraine. Et au niveau de l’engrais, puisqu’on parle d’agriculture, il y a 26% de nos importations qui proviennent de la Russie. Donc nous essayons de gérer cela, ça veut dire que ces 20%, si on ne les a pas, on les trouve par ailleurs en augmentant le volume de blé importé d’autres pays.
Vous l’avez dit, le prix du blé augmente, le gouvernement plafonne les prix, subventionne les meuniers. Tout cela a un coût budgétaire. Est-ce que vous avez déjà chiffré ce coût budgétaire ? Est-ce que vous avez trouvé des solutions pour financer, durant plusieurs mois encore ces subventions et ces plafonnement ?
En termes de perte de recettes, nous avons environ 400 milliards FCFA de perte de recettes sur la question. En termes de dépenses de soutien aux différentes structures y compris les filières agricoles, nous sommes aujourd’hui à près de 200 milliards FCFA de dépenses. Bien sûr, tout ça a un coût budgétaire et nous travaillons à financer cela à travers une augmentation temporaire du déficit budgétaire.
Est-ce que vous allez recourir aux marchés financiers pour financer ce déficit budgétaire ?
Ecoutez, nous avons regardé les différentes options. Nous savons que sur le marché international, aujourd’hui les taux sont élevés. Donc pour l’instant, nous travaillons à nous financer sur le marché régional qui a des conditions de financement qui sont, aujourd’hui, meilleures. Nous espérons que les marchés internationaux vont avoir des conditions meilleures très prochainement. Si c’est le cas, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas y aller.
Le Mali votre grand voisin, vit une situation très difficile. Comment vous voyez l’évolution de la situation au Mali ?
Ce que je peux dire simplement, c’est de souhaiter que les autorités maliennes et la CEDEAO arrivent à un accord très rapidement, de manière à ce que les sanctions puissent être levées pour permettre à l’économie malienne de retrouver son dynamisme.
Vous ne craignez pas un afflux migratoire des Maliens vers la Côte d’Ivoire qui viendrait faire peser sur vos services sociaux, sur votre économie le poids, finalement, de cette crise ?
La Côte d’Ivoire est un pays ouvert, la Côte d’Ivoire, pays leader de la sous-région, nous accueillerons tous ceux qui viendront en Côte d’Ivoire. Mais vous l’avez dit, ça va entraîner une pression sur nos services sociaux. Mais bon, écoutez, la Côte d’Ivoire a un devoir d’assistance aux autres pays. Nous assumerons totalement ce rôle de leader.
Retranscrit par Abdel-Habib Dagnogo