Invité de Rfi, Mamadou Touré réaffirme la ferme volonté du Gouvernement ivoirien de lutter contre le terrorisme
Comment combattre la menace jihadiste qui descend vers les pays du golfe de Guinée ? La question se pose de manière insistante à la suite d’une série d’attaques, d’incidents ou d’accrochages, qui ont touché les régions nord du Bénin, du Togo ou de Côte d’Ivoire. L’un des principaux enjeux pour les États concernés est de contrecarrer les velléités de recrutement des jihadistes dans ces régions. Une menace qui a, par exemple, poussé la Côte d’Ivoire à mettre en place un programme spécial d’appui à l’insertion des jeunes dans les régions frontalières. En quoi consiste-t-il ? Quelles garanties les autorités donnent-elles sur l’absence de dérive politique d’un tel projet ? Le ministre ivoirien de la Promotion de la jeunesse et de l’insertion professionnelle, Mamadou Touré, de passage à Paris, répond aux questions de Laurent Correau.
RFI : À quel point les zones frontalières du Nord sont-elles travaillées par les groupes terroristes ? Que sait-on de l’importance de leurs réseaux et de leur audience ?
Mamadou Touré : Vous savez que deux pays qui ont une frontière avec la Côte d’Ivoire, notamment le Burkina et le Mali, sont confrontés à la menace terroriste. Et d’ailleurs, la Côte d’Ivoire a eu quelques incursions sur son territoire, notamment à l’extrême Nord-Est. Une réponse militaire efficace a été apportée. Le gouvernement suit cette question de près tant au niveau militaire qu’au niveau de la réponse sociale à apporter.
À quel point est-ce que c’est déjà un terreau fertile ? À quel point est-ce que les jihadistes essaient déjà de recruter dans ces régions ?
Il y a eu des tentatives de recrutement. Et l’extrême pauvreté des populations, l’enclavement de ces zones, le manque d’infrastructures pourraient exposer ces populations. Ce sont des groupes qui essaient donc de jouer sur la vulnérabilité de ces jeunes en leur proposant 750 euros, une moto et souvent des activités illicites autour de l’orpaillage, etc. Mais, je peux vous rassurer que, pour l’heure, les jeunes n’ont pas encore répondu à ces appels incessants. Et le gouvernement a décidé d’agir rapidement. En plus de la réponse militaire efficace qui est apportée, il apporte aussi une réponse sociale.
Le gouvernement justement met en place un programme spécial d’appui à l’insertion des jeunes dans ces régions du Nord. Concrètement, en quoi consiste ce programme ?
Nous avons un ambitieux programme visant à donner des perspectives aux jeunes de ces régions à travers des programmes de formation, d’apprentissage donc un métier, de financement d’activités génératrices de revenus ou des jeunes qui sont mis directement en activité dans des grands chantiers dans ces zones.
On parle de combien de jeunes, de quel montant ?
Pour la première phase de ce programme, nous sommes à 19 500 jeunes pour un peu plus de huit milliards de francs CFA, un peu plus de six milliards qui vient donc du gouvernement ivoirien et un prêt de 1,8 milliard qui vient donc de l’AFD (Agence française de développement). Mais à terme, c’est près de 42 000 jeunes dans cette phase qui seront traités pour 23 milliards de francs CFA.
Quelles sont les mesures qui seront prises pour que le choix des bénéficiaires ne se fasse pas sur la base de l’appartenance politique, et pour être en fait tout à fait clair, pour qu’il ne profite pas qu’à des jeunes favorables au Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?
Je peux vous rassurer que l’ensemble des programmes, depuis que le président Ouattara est aux affaires, le sont dans un esprit de transparence, en ayant pour seul critère la compétence, le profil donc de ces jeunes sans tenir compte de l’appartenance politique. Donc, pour ces programmes, nous avons mis en place un dispositif inclusif avec les élus, avec les cadres, avec les associations villageoises, avec les leaders communautaires. Ce sont ces comités locaux qui vont se réunir et qui vont profiler les jeunes et les choisir.
Ceux qui feront du recrutement sur des bases politiques seront sanctionnés ?
J’ai déjà relevé de leurs fonctions certains collaborateurs qui n’étaient pas en phase avec cette vision exprimée par le chef de l’État et le Premier ministre.
Une question sur le dialogue politique qui a conduit à une douzaine de recommandations prises sur la base du consensus. Est-ce que le dialogue n’a pas accouché d’une souris d’une certaine manière, puisque certaines questions comme la limite d’âge pour la présidentielle ou le retour au pays de Charles Blé Goudé ou Guillaume Soro sont restées sans réponse ?
Le dialogue politique aurait accouché d’une souris si toutes les parties n’avaient pas signé. Vous noterez que, pour la première fois, toutes les parties prenantes -société civile, partis politiques traditionnels qui comptent-, ont tous signé le document final. Cela veut dire que chacun y a trouvé son compte. Et le plus important pour nous, c’était d’avoir une approche consensuelle.
Mais est-ce que cette approche consensuelle a permis de résoudre les vrais problèmes de fond, ceux qui ont conduit aux violences en 2020 ?
Toutes les questions ont été abordées. Maintenait, nous nous sommes accordés sur un point extrêmement important, c’est la reconnaissance du bon fonctionnement des institutions de l’État. Et donc, le dialogue politique a conclu que certaines questions, certes importantes, devront être réglées par les institutions qui fonctionnent. Si vous parlez du passeport de Charles Blé Goudé, cela relève du ministère de l’Intérieur. Il y a procédure de délivrance de passeport et cette procédure est en cours.
Source Rfi